Les Rois Maudits (Pv Strenth et Malefor)

La chaleur était intense en cette journée dans le désert mais celle-ci allait bien vite se refroidir car la nuit, la terrible, allait tomber sur nous et nous laisser seuls dans le froid légendaire des déserts sous les Lune dans le noir total. Noir total ? Non, car, même lorsque les ténèbres sont là, il y a toujours une lumière, si le ciel est dégagé, pour nous guider sur notre chemin...

Devant nous, à quelques kilomètres, un éclaireur nous certifia qu'il y avait un village... Le fameux village du désert de Namiraba... C'était là-dedans que le général en chef avait été fait prisonnier. Il devait sûrement vivre certains sévices vu l'endroit dans lequel il était. Mais, en cela, je n'en étais pas certain : peut-être l'avait-on juste enfermé ici calmement car ce lieux était le plus "protégé" face à nous, les forces de Warfang et de Garius. Toutefois, il allait falloir s'attendre à tout par ici...

Je me souviens que j'étais déjà venu dans le désert, lors de mes dix ans où je cherchais la rédemption, lors de mes dix ans où j'ai exploré le monde. Mais je n'étais jamais allé dans ce village. Jamais. En effet, je n'étais venu que pour chasser quelqu'un tel un bon mercenaire et je l'avais laisser crever dans le sable pour ne pas gaspiller de mon temps. Je me souviens, il ne connaissait aucunement mon nom mais allait se souvenir, même après sa mort, de mon visage : je lui avais transpercé le torse... Difficile de survivre après cela. En tout cas, tout ce que je savais de ce village était qu'il était dangereux... surtout pour ceux qui n'étaient pas des criminels recherchés de partout ! Vous croyez qu'un roi est un criminel recherché de partout ? Peut-être ! Et ça me ferait marrer si jamais c'était le cas !

Je me retournais vers ceux qui m'accompagnaient avant de leur dire à voix basse :

- Bien... Nous allons nous reposer ici ce soir. Il y aura des tours de gardes et des éclaireurs pour nous donner un compte-rendu détaillé de ce qu'on peut voir du village et des possibles entrées et passages qui pourraient nous être avantageux. Qui se désigne pour aller partir en éclairage ? Et vers quel période de la nuit vous voulez faire votre tour de garde ?

On pouvait dire de Strenth, lorsqu’on le connaissait très bien (ce qui n’était le cas que de sa personne), qu’il détestait beaucoup de choses. Mais, pendant qu’il marchait dans c désert aride, sec, chaud, il lui sembla qu’une seule chose pouvait être le sujet de haine pendant des heures : les déserts. Non, ce n’était pas tant ces paysages de dunes infinis qui le dérangeait, après considération… C’était quelque chose qui sentait sur son corps, qui l’alourdissait, lui pesait, même. Oui, c’était ça…
 
La chaleur !
 
Qu’est-ce qu’il pouvait détester les températures d’été. Il préférait largement le printemps, où le soleil lui apportait une plus douce présence. Un désert était la personnification même de l’été, le soleil immortel sur cette terre. Tout mourrait ici, et seul le sable, l’élément qui recouvrait l’herbe et la roche, régnait en maître, imposant son manteau doré sur des kilomètres interminables. Quelle horreur…
 
Inutile de dire que sous un tel état d’esprit, la marche (parfois vol, cela dépendait des moments) fut longue et éreintante. Il n’en vit jamais le bout, et pensait encore devoir marcher un moment lorsqu’il vit le soleil disparaitre au profit de la lune et sa face blafarde. Heureusement, un éclaireur envoyé au préalable permit d’identifier leur objectif non loin, dans les parages.  Strenth se demandait tout de même comment ils allaient procéder. De ce que le maître-espion avait pu comprendre, le village était pris par l’ennemi, et des troupes alliées y étaient captives. Ils n’allaient tout de même pas rester dans ce désert réputé pour ses nombreux dangers ? Oui, le climat était plus propice au repos en soirée, mais cela ne retirait pas tous les soucis…
 
Lorsqu’Igniis déclara qu’ils s’arrêteraient ici, Strenth soupira. C’était un acte d’une naïveté incroyable, selon lui, mais peu importait. Il devrait simplement faire en sorte de rester sur ses gardes. Toutefois, la proposition d’être un garde de nuit ou un éclaireur le rassura un peu. Lorsque le souverain demanda des volontaires, Strenth ne se fit pas prier et leva la patte.
 
— Si personne n’est contre, je souhaiterais partir en éclaireur. Je n’en ai jamais fait, mais j’ai confiance en mes capacités, et puis… Je meurs de froid, alors me dégourdir un peu les pattes ne me fera pas de mal. Ce n’est pas trop dangereux, n’est-ce pas ?
 

Il laissa la question en suspens et regarda distraitement les environs, essayant de ne pas croiser du regard un des soldats ou même Igniis.

Nous étions assez loin de la cité pour ne pas être repéré si facilement mais tout de même assez proche pour pouvoir être à portée d'un point d'observation correcte. Ce dernier point est surtout utile pour ceux qui auront leur tour de garde mais aussi pour les éclaireurs. Il allait falloir attendre la nuit avant d'agir mais il allait falloir profiter de la journée et notre position à notre avantage. Ainsi, après mes paroles, Strenth pris la parole pour se proposer :

- Si personne n’est contre, je souhaiterais partir en éclaireur. Je n’en ai jamais fait, mais j’ai confiance en mes capacités, et puis… Je meurs de froid, alors me dégourdir un peu les pattes ne me fera pas de mal. Ce n’est pas trop dangereux, n’est-ce pas ?

Plusieurs yeux se tournèrent vers lui et d'autres vers moi, attendant ma réponse. Et celle-ci ne tarda pas :

- Tu veux être éclaireur ? Hmmmm... Oui, je pense que ça peut être une bonne idée. Même si ta couleur peut faire tâche en plein jour, lorsque le soir tombe, tu peux passer un peu plus inaperçu. Par contre, pas trop dangereux... tant que tu n'es pas repéré, c'est bon. Par contre, si tu l'es... Bien ! Quelqu'un d'autre ?

Je balayai l'assemblée des yeux, silencieux, avant de voir un jeune dragon noir s'avancer et dire :

- Majesté, ce sera un honneur pour moi de partir aussi en éclaireur cette nuit.

- Cette soirée, pas nuit. Cette nuit, dépendant de vos observations, nous agiront pour pénétrer dans le village et trouver celui que nous venons chercher ici. Mais, sinon, très bien. Vous partirez, toi et Strenth, dans quelques minutes après vous être arrêté ici quelques minutes.
Au fait, quel est ton nom ?

- Mirth, Majesté.

- Merci. Bien ! Quant à ceux qui auront leur tour de garde... Je prendrais le premier et, Korth, tu m'accompagnera lors de celui-ci. Gandar et Volm, vous prendrez le second. Furt et Goald,
le troisième. Des questions ?

Mon regard se plaça encore une fois sur l'assemblée, attendant une éventuelle réponse. Après tout cela, Strenth et Mirth pourront commencer à faire leur devoir d'éclaireur...

Strenth n’avait pas une tache bien simple, il le savait. Déjà n’était-il pas certain de réussir parfaitement sa mission, mais en plus, on le couplait à quelqu’un. Il n’en laissa rien paraitre, mais cette décision ne lui plût guère. Le maître-espion était un solitaire de nature, et aimait agir en tant que tel, pas en équipe. Pourtant, il devrait faire avec. Le dragon gris se rapprocha de son coéquipier par défaut et le salua après qu’Igniis ai terminé de donner ses instructions pour la nuit qui promettrait beaucoup de mouvements.
 
— Enchanté, Mirth. J’espère que cet éclairage se passera bien.
— Mais de même.
— Mon nom est Strenth. Je suis un nouveau dans l’armée de Warfang.
— Et le roi confie ce genre de taches à un bleu ?
— Ne me sous-estimez pas, rétorqua Strenth en riant. Le roi a accepté ma demande, ce ne doit pas être pour rien.
— Votre couleur, mas j’imagine que ce n’est pas tout.
— Les pires rues d’une cité peuvent être aussi formatrices qu’une bataille, Mirth, soyez-en certain. Je vais me préparer un peu. Faites de même.
 
Sans même lui laisser le temps de lui répondre, Strenth fit volte-face et alla vers sa sacoche qu’il avait laissé trainer au milieu d’autres sacs du groupe. A l’intérieur, il récupéra un peu d’onguent et des bandages. Il passa le temps qu’il avait pour se préparer à soigner un peu les blessures qu’il avait eu lors de cette nuit quelque peu mouvementée à Warfang. Son dos lui faisait toujours un peu mal s’il se courbait trop, et sa patte ne lui permettait pas de tenir correctement un objet. Outre ceci, il était parfaitement capable. Lorsqu’il retrouva Mirth à la sortie du camp, des bandes serraient une partie de son avant-patte droite, et il avait des « gants » au bout de chacune de ses pattes, de couleur noire. Il ne portait plus son sac qu’il avait décidé de laisser au camp. Il ne portait pas non plus de manteaux ou de capes : cela lui serait inutile dans le désert, car ses écailles permettaient déjà de le cacher.
 
Le soleil avait déjà laissé place à sa sœur, la lune, et le ciel, en direction du village, n’était plus qu’un joli dégradé de pourpre se fonçant au fur et à mesure que l’horizon s’approchait. Mirth était difficile à percevoir en effet : ses écailles noires lui conféraient un grand avantage pour cette mission : mais pas autant que Strenth. Le sable était d’une couleur plus claire que le noir ; il serait donc plus difficile de repérer un individu aux tons grisés plutôt que noirs dans ces cas-là.
 
— Sommes-nous prêts ? s’enquit le maître-espion.
—Nous avons le consentement du roi. Partons sans plus attendre. Peut-être devrions-nous nous séparer ?
— Non, je préfère que l’on reste ensemble. Certes nous pourrions couvrir plus de terrain chacun de notre côté, mais si jamais il y a une embuscade, nous nous en sortirons mieux en étant groupé.
 
Cela dérangeait Strenth de dire une telle chose, mais pourtant il avait le sentiment que c’était la meilleure chose à faire. Au moins, si jamais ils tombaient sur des ennemis, l’un d’eux aurait plus de chance de s’enfuir, et l’autre de retenir d’éventuels poursuivants, dans le pire des cas, bien sûr. Hélas, Mirth voyait les choses autrement. Peut-être se sentait-il supérieur à Strenth parce que celui-ci semblait avoir fait l’armée depuis plus longtemps que lui ? Un élan d’orgueil ? Peut-être, mais quelle qu’en soit la conclusion, la réponse fut la même.
 
— J’insiste pour que nous allions chacun de notre côté. Une embuscade sera la même, que tu sois seul ou accompagné.
— Je ne suis pas de votre avis, mais soit. Faisons de la manière dont vous le souhaitez.
 
Ils continuèrent à parler un court instant de choses de moindre importance, puis vint le moment où ils durent se séparer.  Mirth partit en direction du côté est, tandis que Strenth commença à sprinter vers l’ouest. Il se déplaçait avec une grande prudence, cherchant à chaque fois des rochers derrière lesquels il pouvait s’abriter pour se reposer un peu et regarder sa progression. Très vite la ville fut portée à sa vue, elle-même plongée dans les ténèbres de la nuit. Toutefois, au fur et à mesure  que le Maître-espion se rapprochait, il remarqua que le lieu n’était pas silencieux, bien au contraire. Des coups de métal contre le métal répétés et réguliers provenaient de Namiraba. Quelque chose semblait être en construction, et enfin, en contournant encore un peu, il put voir quelques torcher briller au loin.
 
Se rapprocher davantage ne serait probablement pas une bonne idée. Pas de ce côté du moins. Il y avait de l’activité, Strenth en était certain. Il se contenta de rester cacher derrière son rocher, ne faisant que dépasser sa tête, et inspecta les positions. Ce que pouvait déjà voir le dragon, c’était que l’endroit était mieux fortifié qu’un simple village : sans doute pour se protéger des probables dangers du désert. C’étaient bien des murs qui se baladaient le long du village, érigé depuis le sable.  Comment étaient-ils approvisionnés en eau ? Strenth ne voyait pas de grilles le long des remparts permettant de faire passer de l’eau, et aucun fleuve ne coulait dans les environs. Il ne devait pas non plus y avoir d’égouts, et donc aucune chance de s’infiltrer sous la terre. Toutefois, il semblait y avoir beaucoup d’entrées dans le village : certains murs étaient très vieux, et semblaient troués. Peut-être était-il possible de s’infiltrer par là. Le problème, c’est que Strenth devait chercher des failles pour une armée, et non pour sa personne. L’affrontement semblait inévitable pour pouvoir entrer dans la ville. Par contre… Une diversion pourrait l’affaire. Des dragons attaquant par les cieux pour permettre à d’autres troupes d’arriver et de s’infiltrer, faisant ainsi quelques dégâts dans les rangs de l’ennemi.
 
Un souffle de vent le fit se retourner. Il ne vit qu’une ombre noire fondre sur lui, puis un coup le mit par terre. Sa vision se troubla quelques secondes alors que sa tête s’enfonça dans le sable. Face à cette attaque, Strenth fit ce qu’il put pour utiliser ses pattes postérieures et se propulser en arrière ; Un nouveau coup d’air vint à lui, et il put remarquer des griffes le frôler.
 
Il retomba sur ses quatre pattes et se mit en position de défense. Devant lui, à quelques mètres, se trouvait un dragon que la nuit rendait gris. Toutefois, on ne pouvait voir qu’une partie de ses pattes et sa queue à la pointe munie d’une longe lame ressemblant à celle d’une hallebarde. Le bout de museau était tourné vers Strenth : ostensiblement, il le regardait. Une étrange sensation parcourut l’être du maître-espion, et il comprit de quoi il s’agissait lorsqu’il vit que le dragon s’était arrêté : ce n’était pas pour mieux se positionner, mais par prudence, parce que les yeux de Strenth avaient changé pour passer à un vert d’émeraude qui brillait légèrement dans la nuit.
 
Quelque chose lui fit fermer l’œil gauche : il s’essuya le visage et découvrit du sang sur sa patte. Il ouvrit légèrement la gueule, la surprise le submergeant, bientôt remplacé par une sorte de rictus.
 
— Oh oh oh… ça va se payer.
 
Il ne sentait aucune douleur, sans doute la blessure n’était que superficielle. Le sang coulait sans qu’il ne s’en soucie trop, teintant le sable de sang invisible à la nuit.
 
Strenth regarda aux alentours précautionneusement. Il n’y avait personne aux alentours, et le désert ne permettait pas vraiment de dissimuler un groupe, même infime : les rochers se faisaient de plus en plus rare tandis que l’on approchait du village. Il était donc seul, et le maître-espion pensait comprendre ce qu’il venait faire ici. Lui aussi devait jouer un rôle d’éclaireur pour les ennemis. Il fallait croire que les commandants qu’avait laissé l’invincible n’étaient pas aussi stupides que celui qui les dirigeait. S’il laissait ce dragon s’échapper, alors le possible effet de surprise de Warfang serait gâché. Il devait le tuer.
 
Comme si son adversaire avait lu dans ses pensées, il déploya ses ailes, s’apprêtant à s’envoler. En voyant cela, Strenth se précipita sur lui et frappa une des ailes étendues, la forçant à se plier de nouveau. S’il s’envolait, il alerterait les gardes du village. La situation était compliquée à gérer. Il avait une maigre fenêtre de manœuvre.
 
Il esquiva un coup de griffe de la part de son adversaire qui faisait tout pour repousser le maître-espion. Tant que ce dernier ne lui laissait aucune marge, il avait une chance de ne pas se faire repérer, et de donner ainsi l’avantage au roi. Il tenta de le griffer, mais ne rencontra que l’air. Un bond en arrière de la part de son adversaire lui permit d’esquiver, et Strenth répondait avec un bond en avant. Toutefois, il ne put esquiver la queue qui lui faucha une des pattes. Il tomba, permettant à l’autre un temps de répit. Pourtant il ne choisit pas la fuite et frappa la gueule du maître-espion qui parvint à éviter de peu. Il roula, couvrant ses écailles de sable qui s’incrustait à l’intérieur. Strenth essuya de la bave qui coulait le long de sa gueule et se remit à attaquer. Il esquiva quelques assauts, dont un coup de queue finement placé, dont le but était à nouveau de mettre le maître-espion à terre, mais il avait fait un bond sur son adversaire et l’avait ainsi plaqué au sol. Il lui écrasa le museau du mieux qu’il put avec sa patte pour l’empêcher de mordre et de hurler et l’immobilisa assez pour le griffer sauvagement avec ses pattes valides. Du sang se répandit non loin et sur Strenth, qui ne s’arrêta que lorsqu’une marre s’était formée, et que le dragon n’était plus atteint de soubresauts. A bout de souffle, il se releva et contempla son œuvre, non sans un certain dégoût. C’était un meurtre barbare, qui ne rimait à rien. Strenth préférait le travail proprement exécuté, et déchirer à coup de griffes ne faisait pas partie de sa définition de « bon travail ». Mais au moins, l’éclaireur ennemi était hors d’état de nuire. Il espérait juste que l’on ne les avait pas entendu.
 
Il s’approcha du corps après s’être suffisamment calmé et retira le manteau muni d’un capuchon : ce dernier était en lambeaux à cause des coups de griffe, mais on pouvait toujours la porter et bien masque son identité. En jetant un coup d’œil, Strenth remarqua que son adversaire portait presque les mêmes couleurs que lui. La nuit pouvait bien sûr tromper sa vision, mais il était sûr que le ton était presque similaire, peut-être sa couleur était plus claire que celle de son adversaire. Une idée dangereuse naquit alors en lui.
 
Il avait maintenant la chance de pouvoir s’infiltrer chez l’ennemi. Le risque était grand, puisque sûrement des gens ne le reconnaîtraient pas. En y pesant ainsi, Strenth n’était pas satisfait. Il y avait beaucoup trop de hasard dans ce plan. Continuant d’observer la cité, il réfléchit, et profita d’un instant de calme pour analyser son propre comportement. Rien ne semblait change de d’habitude : il était calme, posé, méticuleux dans ses réflexions. Sans doute son adversaire possédait un comportement similaire au sien. Mais il y avait autre chose. Strenth était légèrement excité. Une dadrénaline soudaine le motivait à bouger. Passer à l’action le prit soudainement. Il se tourna vers le cadavre. Ce dragon était-il si hâtif ? Peut-être était-ce pour cela qu’il avait décidé d’attaquer Strenth. Lorsque ce dernier y réfléchit plus avant, s’il avait été à sa place, il aurait sécurisé sa position et aurait rapporté l’information. Peut-être voulait-il se battre, ou peut-être pensait-il que laisserpartir un éclaireur serait une mauvaise chose, tout comme le pensait Strenth. Mais Warfang n’avait pas l’avantage de la défense. Ses informations valaient sans doute beaucoup plus que celles du maître-espion. Ce dragon était étrange, et il ne semblait pas avoir agi sans trop réfléchir. Il devait y avoir quelque chose d’autres. Hélas, cette décision joua en sa défaveur. Cruelle est la fortune quand on ose la défier. Cela faisait longtemps que Strenth avait appris à la tromper pour mieux réussir. Jouer sur sa chance ne pouvait pas toujours fonctionner, et un jour…
 
Des croassements lointains pouvaient à présent se faire entendre : les oiseaux de proies, attirés par le sang, n’allaient pas tarder à encercler la zone et se repaître des restes de la victime. Le maître-espion ne pouvait pas se permettre de s’attarder davantage ici. Il agrippa le manteau noir et l’enfila. Il était un peu grand pour lui, mais au moins il serait mieux camouflé, les manches étant plus longues et le capuchon couvrant parfaitement la majeure partie de son visage. Ainsi, on ne pourrait pas voir le sang sécha sur son corps. Il n’avait pas le temps de s’appliquer à tout nettoyer, et il n’en avait guère besoin. Il se précipita en direction du village, n’hésitant plus à se mettre à découvert, approchant peu à peu à la lumière des torches. Certains le remarquèrent et se contentèrent de le regarder. De toute évidence, ces gardes savaient qu’un éclaireur avait été repéré, et s’ils ne l’interpelaient pas, c’était qu’il arrivait bien à se dissimuler. Une fois devant l’entrée, il ralentit, marchant devant les gardes sans vraiment les saluer, se contentant de tourner un peu la tête vers chacun d’eux. Le silence était gênant, mais aucun n’osa le rompre, ni d’un mot, ni d’un geste. Strenth put ainsi rentrer dans le village.
 
Ce dernier était particulier. Jamais il n’avait vu une telle architecture. Le village pouvait être qualifié de petite ville, plutôt : en effet, ils avaient quelques fortifications, bien que précaires, et le matériau dominant semblait être la pierre. Chaque bâtiment n’était composé que de cela. Tous les édifices possédaient la même forme : des pavés droits. C’en était attristant, si peu d’originalité dans la variation des formes, mais sûrement n’avait-il pas le loisir de se pencher sur l’aspect esthétique de la ville. Les rues avaient pour sol du sable, parfois durci pour permettre de marcher avec plus d’aisance dans certaines rues avoisinant la place principale et les entrées, sans doute pour faciliter le transport de cargaisons. Strenth alla d’abord dans les rues où il y avait le plus de monde pour passer inaperçu. Il remarqua que le village n’était pas habité que de dragons, mais bien de félins.
 
Pour le peu qu’en savait Strenth, Namiraba était un village dangereux parce que la vie y était très difficile. Tellement difficile que le lieu est rapidement devenu un repaire de bandit. Ici, bien peu de nobles âmes parviennent à vivre dignement avec les bandits alentours qui ont pris possession des lieux et n’hésitent pas à intercepter des cargaisons passant dans les alentours. En somme, il ne s’agissait pas du lieu de vacances idéal, mais Strenth n’était pas en vacances, et puis… les bandits, c’était un peu comme son second monde. Après tout, il avait déjà vécu parmi un groupe de brigands, dans ses plus jeunes années. Cela ne lui faisait plus peur depuis longtemps. Beaucoup n’utlisaient que la provocation pour avoir ce qu’ils voulaient, ou agissaient en groupe pour être certain d’être satisfait, mais le maître-espion avait lui aussi joué dans ses sphères. Il en connaissait si bien les mécanismes qu’il en connaissait aussi les défaillances.
 

Il s’écarta de la foule lorsqu’une ruelle plutôt sombre et étroite s’offrit à lui. Il grimpa un des bâtiments en s’aidant de la proximité de l’autre et atterrit à l’étage d’un balcon qui donnait sur un espace ouvert, avec seulement un plafond qui était sûrement le sol d’un second étage. L’endroit était vide, et il se positionna près d’un balcon qui donnait sur une rue adjacente à la grande place. Une fois bien à son aise, il se cache derrière un pilier et fit de son mieux pour écouter les conversations. Il y avait beaucoup de monde, et parfois certains hurlaient pour être entendus. Peut-être parviendrait-il à entendre quelques informations importantes de cette manière. Il ferait cela pour analyser un peu le terrain en même temps, et s’il n’avait rien de concluant, alors il bougerait autre part.

- M... M... M... Majesté... Majesté...

Il était en pleurs, les larmes étaient abondantes mais sa plainte était silencieuse. Il était revenu avec un regard vide, effrayé, et, surtout, était revenu seul. Lorsque je lui avait demandé où était Strenth, il m'expliqua qu'ils s'étaient séparé et, qu'après avoir fait le tour de la cité, il n'avait trouvé qu'un corps ensanglanté, épouvantable. Bienvenu dans le monde, mon grand... Mais ce cadavre n'était pas celui du gris. Nous étions peut-être repéré... Quoi que cela n'était que peu probable puisque nous étions toujours caché, puisque nous n'étions toujours pas trouvé. Est-ce qu'il était parvenu, d'une manière ou d'une autre, à entrer ? Peut-être (et je l'espérais en un sens). Mais il fallait aussi voir les autres problèmes qui nous faisaient face...

Puis, je lui demandai s'il y avait des entrées possibles. Il me dit qu'il y avait un passage sous-terrain de l'autre côté, mais qu'il risquait d'être gardé (en même temps, faut pas prendre nos adversaires pour des cons). Nous étions une petite armée : nous avions quelques chances. Et des autres possibles entrées ? Eh bien, à part celle principale, nous étions, comme qui dirait, restreints à une seule solution si nous voulions entrer le plus discrètement possible dans la cité.

Enfin, il restait une chose qui restait accroché mon esprit.

- Quoi, Mirth ? Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

- Le... Le... répondit-il avant de déglutir. Il était là... Je L'ai vu... Lui...

- Qui, Lui ?

- Nous sommes perdus...

- Qui ! fis-je sévèrement d'une voix tout de même basse.

- Il était là-haut, Il scrutait tout mais ne m'a pas repéré... Je l'ai vu... Le Maître Noir.

Il y eu un silence soudain... Un silence de mort parmi tous ceux qui m'entouraient. Enfin, tous sauf ceux qui étaient d'origine de Garius. Ceux-là, beaucoup n'en avait jamais entendu parler, ou que très vaguement. Mais, aussi, il y en avaient aussi qui s'étaient renseigné sur lui. Mais jamais ils n'auront le souvenir de sa parole à travers Warfang... Ni le souvenir de sa rencontre de face. Et je pense que vous savez que je ne suis pas du genre à baisser les yeux devant lui. D'un côté, cela pouvait même se retrouver bénéfique, si jamais nous pouvions mettre un terme à tout cela... Mais cela n'était que peu probable, vu la puissance de notre ennemi. Ce qui veut dire aussi que la suite, que le futur, pouvait devenir dévastateur si nous recevions une défaite, si Warfang perdait encore un de ses rois en si peu de temps et en période de crise, de guerre, comme celle-ci. Enfin bref, toujours était-il que tout le monde savait que Malefor représentait un danger, même ceux qui ne savaient pas qui il était rien qu'à l'intonation de l'éclaireur...

Je poussai un soupir inexpressif. Sa présence allait tout de même compliquer les choses... Surtout que l'armée était petite ! Et puis, que venait-il faire ici ? En y réfléchissant, j'avais peut-être une idée, mais... Oui, cela pouvait correspondre à Malefor : peut-être avait-il conquit, tel le plus grand des Empereurs, ce petit village en plein désert remplit de dangereux hors-la-lois recherchés partout.

Mais, avant tout...

- Bien, maintenant que nous savons que Malefor est en face, nous ne devons pas baisser les bras. Cela peut sembler effrayant, et vous avez raison : ce dragon est dangereux et nos vies seront encore plus en danger. Mais nous devons récupérer le captif dans ce village, il est capital de le faire car notre futur en dépend. Si nous ne le récupérons pas, il y aura plus de chance que notre Futur ne soit que Chaos. Ne soit que mort et désolation de la part de notre ennemi qu'est le Maître Noir. Maintenant, nous allons dans ce passage sous-terrain. Suivons Mirth.

L'intéressé leva ses yeux terrifiés vers moi et moi, impassible, lui fis :

- Allons-y.

Il hocha doucement la tête, ayant peut-être compris ce que nous devions faire... Et nous fîmes un grand contour pour ne pas être remarqués.


Finalement, nous arrivâmes près d'une porte s'enfonçant dans le sable, s'enfonçant dans le sol. Et il y avait un dragon à l'entrée qui gardait celle-ci.

C'était à nous d'agir. Il allait falloir entrer dans le village. Et il n'allait pas falloir neutraliser le garde. Il pouvait y en avoir d'autres derrière la porte. Il allait falloir alors user de stratégie...

Nous nous éloignâmes un peu et, alors, un gars de Garius eut une brillante idée...

- Et si l'un de nous, ou bien deux ou trois, entraient dans Namiraba en se faisant passer pour des hors-la-loi ? On pourrait, après être entrés dans ce passage, improviser avec ce que nous avons pour pouvoir ensuite ouvrir au reste.

- Cela est, en effet, une très bonne idée... Mais qui...

- Je pourrais le faire, répondit celui qui me proposa l'idée.

- Et, ton nom...?

- Zedd, Monseigneur.

- Très bien. Quelqu'un d'autre ?

- Puis-je... fis alors Mirth en s'avançant doucement, hésitant. Puis-je y aller aussi ? Je pense être apte à cette tâche.

Je hochai la tête pour dire que oui. Alors, je leur dis :

- Bien. Deux, c'est suffisant, je pense. Allez-y. Enlevez tout ce que vous avez sur vous en tant qu'armure sauf vos armes.

- Excusez-moi, Monseigneur, mais je pense qu'il est préférable de garder certaines pièces d'armure. Cela peut nous faire passer pour des mercenaires qui ont pris des morceaux d'amure sur leur victime.

- En effet. Et, enfin, faites-vous passer pour un duo de criminels inséparables... Ouais, ça marche bien, ça, ça passe partout.

Ils me répondirent tous les deux affirmativement de la tête avant d'aller en direction de leur mission. Et nous dûmes attendre.

Au moins, les deux réussirent à rentrer facilement.


Un certain moment après, Zedd revint pour me dire que c'était bon. Nous le suivîmes. Devant la porte était le corps du pauvre garde, baignant dans son sang. Puis, nous nous enfonçâmes dans un couloir, en passant à côté d'un autre corps sans vie, qui menait à une salle. Celle-ci était petite et, surtout, contenait trois dragons morts et un seul vivant, près d'une autre porte : Mirth. Celui-ci avait envie de vomir, cela se voyait. Mais il nous dit, enfin, que la voie, après la porte, était libre pendant encore 6 salles, dont une ou deux menant à un escalier.

C'était à nous d'agir et il allait falloir nous séparer en deux ou trois groupes.

Alors, je me demandai soudainement comment se débrouillait Strenth, se son côté...

Strenth regardait inlassablement la foule qui s’amassait, se heurtait et se croisait dans les rues principales et annexes. Telle une sentinelle, sa tête se mouvait doucement, de gauche à droit et de bas en haut, repérant le moindre geste, écoutant le moindre éclat de voix qui pourrait l’intéresser. Il vit beaucoup de caisses être transportées d’un point à un autre. La place centrale semblait être un gros point d’activité. Il était un peu trop éloigné pour bien comprendre ce qu’il se passait là-bas, mais l’attroupement qu’il constatait lui permettait de comprendre que les soldats présents ici animaient beaucoup la vie du village.
 
De puissants battements d’ailes lui parvinrent alors, vers l’ouest. Il tourna la tête, se plaquant davantage à un pilier, par mesure de sécurité. Aussi impassible pouvait-il être, il ne put se retenir d’être effaré lorsqu’il vit l’imposante silhouette de Malefor se diriger vers ce qui semblait être le point culminant de la ville. Strenth se retira immédiatement pour se cacher dans le bâtiment.
 
La Légion Noire ! C’était lui qui avait capturé le gradé de Garius ? Pourquoi ? Quelles étaient les intentions de Malefor ? Ce pourrait-il que cela ait un lien avec la guerre civile à Arthas ? Ces évènements étaient bien trop rapprochés pour que Strenth pût écarter l’éventualité. Au contraire, il la considérait fortement. Si vraiment le leader de ce groupe de rebelles était aussi stupide qu’on le racontait, nul doute qu’il aurait pu être soudoyé par Malefor. Pour une diversion ? Probable. Mais là encore, dans quel but ? Qu’est-ce que Namiraba avait de si important. Ce n’était qu’un repaire de bandit. Recrutait-il des troupes ? Strenth pensait que sa légion lui suffisait. Cette position ne possédait aucun avantage stratégique. Décidément, il avait du mal à suivre. A moins que ce soit une diversion pour disperser l’armée ? Strenth ne pourrait être éclairé que d’une seule manière.
 
Mais il ne pouvait pas prendre le risque d’aller rejoindre Malefor du haut de son perchoir. Non, il savait que l’autre éclaireur de Warfang pouvait toujours rôder. S’il avait réussi à se faufiler ici, pourquoi pas lui ? Bien sûr, les chances étaient minces, mais pas nulles. Il savait déjà comment jouer ses coups. Il ne restait plus qu’à décider de comment en parler…
 
Il descendit du bâtiment par les marches et la porte d’entrée, faisant bien attention à vérifier qu’il se trouvait sur un côté où Malefor ne pouvait pas le repérer. Si jamais il le remarquait et se diriger vers lui, cela porterait trop l’attention sur sa personne, et Strenth détestait être remarqué. Surtout dans une telle situation. Au moins, il n’était pas dans un territoire inconnu. Au contraire.
 
Il retira le capuchon qui se trouvait sur sa tête une fois à l’extérieur, et intercepta un des soldats de la Légion qui semblait affairé à transporter ces caisses. Il n’eut pas la curiosité de demander ce qu’elle contenait : le maître-espion en avait déjà une bonne idée, et puis cela ne ferait qu’éveiller des soupçons. S’il passait pour quelqu’un qui ne savait pas ce qu’il voulait, on pourrait le prendre pour un intrus. Il ne l’était pas bien sûr, mais encore une fois, l’attention…
 
—Est-ce que tu saurais où se trouve un certain Slesh, par hasard ? Ou Béliaroc. Ce sont des agents proches du maître noir, et j’ai besoin de voir au moins l’un des deux.
— Et pourquoi tu veux savoir ça ?
— J’ai des informations importantes à transmettre, et seulement eux peuvent les entendre.
 
Le dragon le dévisagea. Avec le sang qu’il avait sur les écailles, Strenth ne devait pas avoir une allure d’ange, loin de là. Son regard perçant s’attarda sur le soldat.
 
— Alors ?
— Sur la place. Il y en a un qui organise l’armement, je crois.
 
Evidemment. Strenth remercia le soldat qui continua de marcher dans la direction de l’endroit qu’il avait nommé. Le dragon gris patienta un peu, réfléchissant, puis il suivit le même chemin. Une fois au niveau de la place, il s’assied près d’une maison, de sorte à ne pas être vu de Malefor, et scruta chaque individu qui peuplait l’endroit. Il fut facile de trouver Béliaroc. Un gros lourdaud noir, protégé d’une armure hérissé de pointes. Ça se démarquait assez facilement du tas. Il semblait quitter la place et arriva dans sa direction. Strenth sourit et attendit qu’il passe à côté de lui pour lui dire bonjour d’un mouvement de patte nonchalant.
 
— Je suis content de vous trouver ici. Vous vous souvenez de moi ? Strenth, maître-espion de la Légion.
 
Il sourit légèrement à Béliaroc.
 
— Il faut que je parle au Maître, et le plus rapidement possible. Warfang prévoit bientôt d’attaquer l’endroit, et il faut que je transmette quelques informations avant que ça n’arrive. Est-ce vous pourriez aller le chercher, et lui demander si c’est possible de se voir dans un coin plus privé, en intérieur, de préférence ?

Zedd et Mirth furent dans mon groupement.

Je préférais garder le noir près de moi car il m'avait l'air assez fragile psychologiquement malgré une certaine force intérieure. Il pouvait craquer à tout moment. J'avais expérimenté cela tant de fois dans le passé avec mes gars lors de la guerre. Certains, je me souviens, devenaient fou et certains s'étaient même suicidés après leur première bataille parce qu'ils avaient vu l'horreur et car, pis encore, étaient eux-même acteurs de celle-ci. Voir la mort n'est jamais facile pour notre intérieur ; la causer, encore moins.

Quant à Zedd, il me semblait prometteur et pouvait m'être utile pour la suite.

Ainsi, un groupe resta dans ces groupements de salle pour explorer, un autre monta les premiers escalier, le dernier, le mien, alla dans les autres escaliers. J'avais enlevé et rangé mon masque pour éviter tout reflet de lumière possible une fois en haut.

Nous étions environs 5 dans chaque groupe (sauf celui qui restait dans les salles, où ils étaient exactement 9 dragons). Il allait falloir être le plus discret possible, maintenant. Bon, après, je pense qu'on allait se faire repérer à un moment où à un autre : c'était inévitable. Mais mieux valait repousser ce moment à celui qui arrangera le mieux notre situation. C'est aussi pour cela que nous étions séparés en différents groupes : si l'un de nous se faisait repérer, nous n'allions pas avoir l'entièreté du village à un seul et unique endroit, ce que fait alors que nos ennemis seront séparés en plusieurs groupes, rendant la situation beaucoup plus gérable. En fait, cela va peut-être vous paraître cruel de ma part, mais j'espérais que l'un de mes groupes (si possible, divisés en sous-groupes) se fasse repérer car cela nous permettra de créer une déviation, nous donnant un certain avantage même si tout Namiraba allait être sur ses gardes.

Après, j'espérais que nous ne tomberions pas sur Malefor en personne : la mission se retrouverait alors bien malmené à cause de ce puissant ennemi.

Enfin bref ! Notre groupement, dans ces couloirs, n'était pas comme une horde de loup (c'est-à-dire les "faibles" devant et le chef tout derrière). En effet, j'étais même celui à la tête. Nous montâmes alors les escaliers doucement et prudemment. J'étais prêts à frapper à tout moment si jamais quelqu'un approchait de trop près.

En haut était un couloir dans lequel deux chemins s'offraient à nous. Nous nous séparâmes encore une fois, alors. Zedd et Mirth étant toujours avec moi. Il y avait quelques torches sur les côtés et la chaleur des flammes était la bienvenue avec la température extérieure ! Toutefois, ce qui n'était pas la bienvenue, ce sont les deux dragons qui nous rencontrâmes en chemin. Mais, heureusement, nous pûmes les mettre au sol avant qu'ils puissent crier et alerter tout le monde.

Puis, tout le monde fut alerté. Nous n'étions pas ceux repérés.

Nous arrivâmes ainsi dans une petite salle menant à l'extérieur par une porte. Je me tournais vers les deux qui m'accompagnaient et me souvenu que je n'avais pas à leur dire d'enlever leurs armes et armures car ils l'avaient déjà fait pour pouvoir rentrer.

Près de la porte, Mirth tendis l'oreille : il n'y avait pas de garde, nous pouvions sortir.

- Pas maintenant, leur chuchotais-je tandis que cherchais quelque chose dans la salle. Ils connaissent sûrement ma tête, il faudrait que je cache entièrement mon identité.

Alors, je trouvai un placard avec plusieurs habits... et en enfila un presque pareille à celui qui se trouvait derrière mon trône.

- Maintenant, nous pouvons sortir.

Et nous passâmes la porte pour nous "balader" dans les rues de cette petite cité.

- Ils sont par là ! entendis-je soudainement.

Alors, plusieurs personnes passèrent à côté de nous à toute vitesse et sans s'arrêter. C'était parfait, nous allions pouvoir continuer, pour le moment, tranquillement, nous n'étions pas repérés.

Mais, qui l'était ? Le premier groupe, le second ? Strenth avait-il été repéré ? La dernière hypothèse était assez peu probable vue comme celui-ci a paru s'infiltrer et vue que le gars a dit "ils sont". Alors, où est-ce que ce dernier était, en ce moment ? Avait-il pris de l'avance sur nous ? Avait-il trouvé la position actuelle du prisonnier ?

Cela, seul lui avait les réponses...

Béliaroc conduisit Strenth jusqu’à un endroit qu’il considéra d’assez sûr. Bien entendu, le meilleur moyen de passer inaperçu était de ne pas chercher à l’être, et ce fut pour cette raison que le subordonné de Malefor laissa le Maître-espion dans une petite bâtisse de Namiraba. A la fois pas trop proche des murailles, mais aussi à proximité de la place centrale du village en cas d’évènements requérant une prise rapide d’actions rapide. Lorsque Béliaroc assura à Strenth qu’il allait chercher le Maître Noir, il laissa le gris seul, permettant à ce dernier de fouiller un peu la maison qui, de toute évidence, avait été le théâtre d’un odieux massacre. Une odeur âcre régnait dans l’habitat. L’odeur viciée du sang avait élu domicile ici, dans l’air, mais aussi dans le sol : une partie du plancher était maintenant teinté de cette couleur cramoisie, corrompant la vie d’un jour. La remplaçant par la mort.
 
La maison n’était composée que de trois pièces : le salon et la cuisine n’étaient séparé que par une cloison peu épaisse qui, à en voir l’amas de pierre qui s’étalait par terre, avait été démolie. La troisième pièce était une sorte de débarras en sous-sol, dans lequel il était possible d’accéder par une trappe assez lourde, taillée dans un bois massif, sous une des tables du salon : tous les meubles ayant été jetés ou détruits, son emplacement sautait aux yeux, et, curieux comme il était, Strenth ne put s’empêcher de soulever l’épaisse plaque de bois qui lui demanda de forcer un peu pour la soulever. Il s’engouffra dans le sous-sol.
 
Il put affirmer que c’était d’ici que provenait les pires odeurs. Et il comprit rapidement comment une telle odeur de charogne pouvait empester ici : des corps calcinés de dragons avaient été disposés au fond du débarras, parmi des fournitures de bois et autres objets de décoration divers. Du sang séché parsemait aussi le sol de cette pièce, et Strenth fut obligé de couvrir son visage avec son capuchon pour tenter de masquer l’odeur. Il se mit aussi à respirer par la gueule.
 
Il identifia rapidement les corps grâce aux formes, leur taille et quelques autres éléments morphologiques. Deux enfants avaient été incinérés aux côtés de leurs parents. Strenth soupira. Le spectacle était atterrant, et même si cela ne perturbait aucunement le dragon, une émotion le prenait. Pas du remord, mais quelque chose de plus existentiel encore. Un sentiment de gâchis le rongeait. Il sentait dans son âme que les choses n’allaient pas dans le bon sens. Ces vies, dans n autre monde, auraient pu être sauvées, si d’autres conditions avaient été rassemblées. Le fil de la réalité était si fin, chaque pas manquant de le briser, et d’amener ce fil sur un autre. Il fallait renforcer ce fil pour que jamais il ne cède.
 
Le pouvoir.
 
Strenth remarqua un grand bassin : il le sortit du débarras, le remplit d’eau avec un vase qui en était rempli (et qui, miraculeusement, avait été épargné du pillage), et s’appliqua à se laver du mieux qu’il put. Une bonne partie du sang avait eu le temps de sécher, ce qui faisait que le Maître-espion dut bien frotter sur certains endroits. Il parvint tout de même à un bon résultat, la majeure partie du sang ayant disparu, sauf peut-être quelques taches persistantes sur les pattes antérieures et le dos, qu’il ne pouvait atteindre facilement.
 
Il entendit quelques cris au loin. Des ordres divers. Tandis qu’il attendait, les éléments d’un plan bien plus grand, plus ambitieux, se mettaient en place. Et c’était son Maître qui manigançait dans l’ombre. Strenth le savait, à présent…
 
Le roi et ses troupes n’étaient pas au courant. Est-ce que cela changeait quelque chose ? Cela dépendait de ce que pourrait lui dire le Maître Noir. Si ce dernier apprenait par Béliaroc que Warfang était sur place, il voudrait probablement un entretient succinct. Le Maître-espion réfléchissait déjà aux paroles qu’il prononcerait. Chaque mot devait être choisi avec un soin particulier.
 
Il n’eut guère beaucoup de temps. Mais Strenth savait déjà ce qu’il souhaitait.
 
Des pas semblaient s’approcher. Strenth se drapa dans le manteau qu’il avait dérobé à cet éclaireur du désert et se plaça dans la pièce principale. La porte s’ouvrit dans un grincement digne des plus vieux bois, et une tête sombre, éclairé d’une paire d’yeux jaune brillant comme le topaze, s’engouffra à l’intérieur de la maison. Bientôt cette tête devint corps complet, et en un rien de temps, le Maître Noir se trouvait devant Strenth. Ce dernier retira le capuchon qui masquait son visage et restait le plus neutre possible. A l’intérieur, son esprit bouillonnait de mille pensées. L’influence du Maître Noir était si grande, si imposante. Un sentiment d’insécurité s’empara de lui, et l’étrange charisme de Malefor envahit la pièce, rendant l’atmosphère plus étouffante. C’était comme leur première entrevue, dans la citadelle. Un manteau du mal accompagnait le dragon partout où il allait. Quel force…
 
Le cœur de Strenth battait la chamade, mais il gardait son calme apparent. Cette sensation de danger omniprésent allait bientôt faiblir, remplacé par l’accoutumance. C’était la deuxième fois qu’il se trouvait près du Maître Noir. Il savait ce que cela faisait, et la compréhension lui permettait de mieux appréhender la chose. Il s’inclina devant les nouveaux venus (car son serviteur le suivait).
 
Ce fut Malefor qui commença à parler, et sa voix fit frémir le dragon. Elle était si spéciale. On aurait dit qu’elle venait d’un autre monde. Sa voix était aussi frappante que mille tonnerre, et toute aussi dangereuse.
 
— Strenth.  Quel plaisir de te revoir parmi nous. Cela fait bien longtemps que nous attendions de tes nouvelles à la citadelle. Toutefois je crois que tu devras nous réserver le récit de tes aventures pour plus tard, Béliaroc m’a mentionné que tu as mis à jour un plan de ces chiens galeux de Warfang n’est-ce pas ?
 
Comme le Maître-espion s’y attendait. L’entrevue devrait être très courte. C’était dommage, mais c’était aussi une bonne chose. Les actions devaient être prises au plus vite. Il souhaitait revenir au côté de Malefor, mais ce n’était pas encore le moment. Il ne prit qu’une seconde pour réfléchir aux arguments qu’il devait énoncer : sous quelle forme, dans quel ordre, avec quelle intonation.
 
— Monseigneur, entonna-t-il. Le nouvellement couronné roi Igniis s’est engagé en tant qu’allié dans une guerre civile au sein d’Arthas. Il a été envoyé ici avec une quinzaine de soldats dans le but de retrouver et ramener un général de l’armée que vous retenez ici. Ils ont tués un de vos éclaireurs, dont je détiens le manteau.
 
Il marqua une légère pause pour que le Maître Noir puisse prendre en compte ses dires, mais il reprit rapidement. Il devait se dépêcher d’en venir aux faits.
 
— Warfang prévoit d’infiltrer le village. Peut-être sont-ils déjà en action maintenant. Le temps presse, monseigneur. Ils ne savent pas que c’est la Légion qui mène cette opération dans le village. Telles sont les informations que je me devais de vous donner. J’ai une requête à vous soumettre, si je le puis…
 
Il s’inclina de nouveau et prit une inspiration intérieure pour garder son calme. Il n’était pas certain de pouvoir faire des demandes, mais vu comme il semblait accroché à son espion, il pouvait au moins essayer.
 
— Ma tâche n’est pas terminée à Warfang. Si mon opération là-bas aboutit, je vous promets que Warfang sera dans un état d’instabilité politique qui affaiblira grandement ses positions. Dans l’intérêt de l’accomplissement de ma mission, j’aimerais que vous relâchiez le général que vous tenez captif, afin que je puisse simuler son secours par mes pattes. Un afflux de crédibilité auprès du roi assurerait davantage ma couverture. Je m’excuse par avance si ce souhait vous déplaît. Prenez mes paroles davantage comme une alternative, plutôt qu’une demande impérative.
 

Le Maître-espion faisait de son mieux pour soutenir le regard de Malefor qui l’emplissait de craintes. Il attendait sa réponse, et chaque seconde qui passait dans le silence en sa présence était peu accommodant. Il ne faisait plus trop attention aux cris et au remue qui semblait s’opérer dehors. Le monde s’animait davantage.

Les ruelles étaient étroites et sombres. Et les deux gars à côté de moi me suivaient de très près. Nous étions silencieux et passions de l'ombre à la lumière et de la lumière à l'ombre en peu de temps. Les bruits des pattes heurtant violemment le sol pour courir se firent entendre de partout, de même que le bruit de vent.

C'était un bruyant silence mais aussi, dans le même temps, un silencieux bruit qui nous entourait dans cette nuit noire.

Il fallait faire attention à chaque intersection. Fallait-il prendre à gauche ? Fallait-il prendre à droite ? Fallait-il continuer tout droit ? Allions-nous avoir des adversaires au prochain croisement ? Chut ! Plus de bruit ! Bruits de pas ! Maintenant, il faut continuer !

Namiraba était un véritable labyrinthe. Et, sans aucun fil, nous devions trouver notre Minotaure...

Soudainement, nous arrivâmes sur une place publique. Et, surtout, quelle puanteur nous avions... Il y avait l'odeur terrible et horrible de la mort. Au sol, en fait, se trouvait une tâche de sang suffisamment fraîche pour voir qu'elle a été versée ce jour-ci. Mais il y avait aussi, à l'intérieur de cette tâche... des morceaux organique. Oui, il y avait de la chaire sanglante en tout petits morceau, dans cette tâche, de même que des morceaux de cervelle.

Mirth eut un haut le cœur tandis que Zedd et moi restâmes silencieux. Zedd se demandait qu'est-ce qui avait pu provoquer tout cela... mais moi...

Moi, je levai la tête en direction de la haute tour.

J'avais ma petite idée sur la cause de tout ceci. Même si je savais qu'elle pouvait être fausse à cause des centaines de possibilités, je pensais que la cause de tout cela était là où mon regard était posé.

- Hé ! Vous avez pas entendu ? Y a des intrus ! fit une voix derrière nous.

Nous nous retournâmes tous... et celui qui parla, pouvant suffisamment de mon visage caché sous ma capuche, eut un regard terrifié.

- ALEEEEEERTE !!! eut-il le temps de hurler avant que Mirth n'agisse en premier et ne donne un puissant coup dans la gueule.

Il tomba au sol, inconscient... ou, plutôt, semi-inconscient.

Je m'approchai ainsi de lui rapidement. Et lorsqu'il ouvra à demi les yeux, il vit mon regard. Il vit ces émeraudes incrustés dans mon visage et il les vit refléter les glaciales infernales flammes... Il vit le sablier du Temps faire tomber le tout dernier grain de sable de ce dangereux désert.

Le sang coula sur le sol silencieusement en une gerbe avant que je dise à mes deux compères :

- Pas de témoin... Maintenant, vite ! Ils vont bientôt arriver...

Et je repartis en direction des ruelles, peu de temps avant d'être à nouveau suivit par Mirth et Zedd. Et les bruits de pas étaient maintenant proches. Tout comme les bruits d'étonnements lors de la découverte du pauvre et sanglant corps du malheureux. Et nous étions de retour dans le Royaume des Ombres.

Et nous approchâmes ainsi grandement de notre éventuel objectif. Oui, nous nous approchâmes d'une prison. Peut-être était-ce là qu'ils gardaient leur prisonnier... Oui, peut-être...

Je l'espérais grandement.

Mais, avant toute chose, il allait d'abord falloir réussir à pénétrer dans ces sombres geôles...

Strenth se doutait qu’exposer ses plans à Malefor ne le rendrait pas heureux. Toutefois, sa réaction n’était pas aussi effrayante qu’il l’aurait pensé. Au contraire, le Maître Noir semblait plutôt animé de curiosité. Il réfléchissait sûrement à la demande du dragon gris et ne tarda pas à revenir, portant dans sa voix la réponse que le maître-espion attendait.

Clairement, Strenth agrandissait davantage sa marge d’erreur en venant avec un plan qui forçait Malefor à changer ses propres desseins. S’il échouait pour des objectifs qu’il proposait, cela déplairait grandement au Maître Noir, et il avait entendu – même déjà vu – assez d’histoire sur ce dragon pour savoir qu’il ne valait mieux pas le décevoir lorsque l’on est sous ses ordres. Mais ce qu’il avait prévu était déjà gravé dans son esprit. Déjà avait-il pensé à chaque action, ses possibles conclusions, et s’adapter en fonction de celles-ci. Il ne pouvait pas échouer. Du moins, pas complètement.

Lorsque Malefor s’arracha une partie d’écaille, Strenth fut stupéfait de voir que sa petite blessure avait guéri dans l’instant, et que le sang qui en avait coulé semblait si chaud qu’il fit un léger sifflement au contact de la roche. Il n’était pas un dragon… Tous les violets avaient-ils de telles capacités ? C’était intriguant et affolant en même temps. Bien sûr, le maître-espion ne laissa rien paraître de cet éblouissement, son masque d’une neutralité exemplaire rarement atteint, mais cela ne l’empêchait pas d’être subjugué par de tels pouvoirs. Pendant un instant il hésita, mais cet instant de faiblesse ne dura point longtemps et il s’enhardit de nouveau.  Il prit avec une précaution redoublée l’écaille, veillant à n’avoir aucun contact avec le dragon violet, ce qui activerait sa capacité mimétique. Pendant un instant, Strenth fut tout de même très curieux : jamais il n’avait touché un dragon violet. Il se demandait s’il copierait tous leurs pouvoirs, ou seulement une partie. Pour l’instant, cette question était superflue : il y penserait un autre jour.

Il regarda l’écaille, puis se reconcentra sur Malefor lorsque celui-ci lui expliqua qu’il s’agissait d’une preuve que c’était lui qui l’envoyait. Il devait retrouver Slesh, qui devait sûrement tenir le dragon prisonnier. Strenth acquiesça en silence et s’apprêtait à partir lorsque Malefor lui annonça une dernière chose : si jamais il croisait le roi de Warfang, il ne se retiendrait pas. Un léger air de déception parut sur le visage du maître-espion, mais il n’en dit rien tout de même.  Si jamais Igniis venait à mourir maintenant, alors la majeure partie de ce qu’il avait entrepris pour ternir sa réputation ne servirait à rien. Bien, il voyait clair sur ses objectifs : récupérer le fameux Thomson, et faire en sorte que les deux leaders ne se rencontrent pas. Il salua le maître noir d’une élégante révérence puis s’en fut par la porte.

Une fois à l’extérieur, il demanda où se trouvait Slesh. De simples mercenaires ne purent lui répondre, et lorsqu’il retourna dans la petite maison, le Maître Noir et son subordonné avaient déjà disparus. Il se prit à légèrement rire. Il avait oublié de demander où il trouverait l’otage…

Il parvint tout de même à se renseigner auprès de petits commandants qui le guidèrent jusqu’à un bâtiment délabré (en vérité, une telle description semblait être chose commune dans ce village). Il vit aux différents instruments disposés sur le côté qu’il s’agissait d’une forge. Il présenta aux gardes devant le bâtiment l’écaille de Malefor, mais ceux-ci n’étaient pas sous sa direction direct, et ils ne comprirent pas.

— Ecoutez-moi bien. Si j’étais un espion, les dragons à l’intérieur m’arrêteraient tout de suite. J’ai une mission très importante à accomplir pour le Maître Noir, et si je ne réussis pas, cela retombera sur vous.
— Il marque un point.
— Bien… Entrez.

— ALEEEEEERTE !

Strenth se retourna brièvement. Les troupes d’Igniis venaient d’arriver. Il gronda légèrement. Il devrait se dépêcher.

— Allez aider vos camarades ! Warfang est ici. Restez groupés, surtout !
— Warfang ?

Mais Strenth ne donna pas plus d’informations : il était déjà rentré.

Une fois à l’intérieur, il put voir à quel point l’endroit était miteux. Déjà depuis l’entrée il pouvait entendre de longues et puissantes plaintes, mais il ne se doutait pas que cela proviendrait d’un si grand nombre d’âmes, agglutinées dans une cellule qui puait le sang et la mort. Il demanda aux gens qui se trouvaient ici où était gardé Thomson. L’agitation se voyait puisque certains récupéraient des armes et sortaient pour répondre à l’alerte lancée. On parvint tout de même, dans la précipitation, à lui indiquer un couloir dans lequel il s’engagea. Il s’agissait d’autres cellules, avec au fond une porte construite dans un bois de bonne facture. Il pouvait entendre des hurlements derrière. Strenth ouvrit doucement la porte et se faufila. Il n’y avait dans cette cellule que deux personnes. Il reconnut Slesh, manipulant d’étranges outils aux pointes gorgés de sang. Ce dernier appartenait au second individu qui était à terre, sur le flanc, une flaque de sang encore fraiche sous lui. A vrai dire, Strenth pensa un moment qu’il s’agissait d’un dragon rouge tant la majorité de ses écailles étaient imprégnées de ce pigment. Il s’agissait en fait du sang. Strenth devait arrêter cela avant que le dragon soit trop faible pour être déplacé. Il le voulait vivant à tout prix. Il frappa de la patte. Le torsionnaire se retourna immédiatement et parut interloqué. Le maître-espion examina Thomson : ce dernier semblait amorphe. Il ne tournait pas la tête vers lui. C’était parfait. Il fit signe à Slesh de ne pas faire un bruit, puis il montra l’écaille de Malefor. Le serviteur la regarda quelques secondes, comprit et hocha la tête. Au moins, il était intelligent.

— Je viens chercher le prisonnier pour le transférer.
— Pourquoi ?
— Warfang a lancé une attaque dans la ville ! Tout le monde été pris par surprise. Vous devriez rejoindre le Maître Noir au plus vite. Je suppose qu’il saura quoi vous dire mieux que moi.
— J’espère que vous savez ce que vous faites, soldat.
— Toujours, répondit simplement le maître-espion avec un sourire.

Une fois seuls dans la pièce, Strenth s’apprcha de Thomson. Ce dernier leva pitoyablement la tête.

— Pitié…
— N’ayez crainte. Je suis Strenth. Je fais partie d’une unité de l’armée de Warfang, envoyée pour vous secourir. Est-ce que vous pouvez marcher ?
— Comment êtes-vous arrivé ici ?
— J’ai volé l’identité d’un des gardes. Pouvez-vous marcher ?

Il essaya de se lever, mais ses pattes tremblaient. Il avait perdu une quantité de sang plutôt inquiétante, et cela ne s’arrêtait pas. Strenth déchira plusieurs bouts du manteau qu’il portait et s’en servit pour faire des bandages de fortunes au général. Suite à cela, il agrippa comme il put le dragon et le soutint. Il lui servait de béquille, la moitié partie du corps de Thomson sur lui : il se déplaçait à deux pattes, et Strenth le soutenait.

Il n’y avait plus qu’un seul garde à l’intérieur de la prison improvisée, et dire que le prisonnier était tellement important qu’il dut être transféré immédiatement suffit tant le village était dans une situation inattendue, qui laissait tout le monde dans une telle surprise que plus personne ne savait exactement quoi faire tant que les véritables autorités ne seraient pas intervenus. Il se retrouva dehors, où tout le monde courait dans un désordre qui fit soupirer Strenth. Les gémissements de Thomson lui tapaient un peu sur le système. Il devait rapidement trouver le roi.

Nous restâmes tous les trois dans les ténèbres, cachés. En effet, ça commençait à bien bouger aux alentours, à bouger grandement. Il allait donc falloir vite chercher leur prisonnier et fuir comme des rats en passant par les chemins labyrinthique de Namiraba mais aussi en passant par les sous-sols. Bien que c'était dangereux de passer par là où nous passâmes pour rentrer vu le massacre, c'était la seule solution possible pour sortir d'ici vu que l'entrée principale allait être bloquée et très grandement gardée. Tout ce que j'espérais, c'est que je n'avais pas perdu trop d'homme durant cette mission d'escorte...

Puis, à un moment, plus personne dans la rue en face de la prison. C'était notre chance. Je n'étais pas des plus agile alors Mirth y alla en premier. Il entra facilement dans le bâtiment avant que Zedd n'y aille. Et ça recommençait à un peu bouger. Je dû rester caché et encore attendre un peu dans l'ombre. Puis, tout se calma à nouveau. Je m’apprêtais à m'avancer mais, avant que je puisse traverser cette rue, les deux ressortirent du bâtiment...

Avec personne d'autre.

Il n'était pas dans la prison... Merde !

Zedd traversa la rue et nous fûmes tous les deux réunis. Mais Mirth...

Quelque chose lui sauta dessus et l'emporta dans les ténèbres derrière lui. Il poussa un cri et disparut.

Nous nous mîmes alors à encore chercher, cette fois que Zedd et moi, à travers les ruelles étroites et sombres. Soudain, un membre de l'armée noire passa seul dans l'une de ses rues. Je n'eus pas d'autres choix que de lui sauter dessus et de le tuer discrètement. Le pauvre, il a vu une masse masquée surgir de l'ombre avant de ressentir une énorme douleur lorsque mes griffes d'acier le pénétrèrent...

Je laissai ainsi un cadavre sanguinolent derrière moi avant de continuer avec Zedd. Puis, à un moment, nous approchâmes de la place centrale. Nous vîmes des archers sur les toits. Il allait falloir se faire encore plus discret. Et, pour cela, je trouvai vite comment faire.

D'un geste de la tête, j'indiquai à Zedd d'entrer dans l'une des maisons. Nous allions passer de bâtiment à bâtiment. Nous devions nous éloigner le plus possible de la place centrale pour notre sécurité... mais il se pouvait que le prisonnier ait été emmené là-bas. Et par l'une des fenêtre, toujours dans l'obscurité (je n'allais pas me mettre dans un seul rayon de lumière, ce serait très con), je pû voir un énorme attroupement.

Ainsi, je passai encore d'un bâtiment à l'autre lorsque je vis un dragon noir entrer dans celui où j'étais. Je me réfugiais derrière un mur. Puis un autre rentra. C'est alors qu'un autre rentra en face de moi. Et celui-ci, heureusement, était un allié. En effet, je venais de retrouver Zedd.

De quelques signes de têtes, nous fîmes un plan tacite... et nous éliminâmes discrètement les deux dragons de Malefor qui venaient de rentrer. Nous continuâmes nos recherches et, lorsque nous fûmes à l'un des bâtiments, je pus voir droit devant moi passer dans l'une des rues deux dragons.

Deux dragons dont l'un m'était familier. Strenth. Et à côté de lui...

- C'est lui ! me chuchota Zedd. Oui, c'est lui que nous sommes venu chercher !

Il partit rapidement devant. Il traversa à grande vitesse la rue et arriva à la hauteur de Strenth. J'allais m'élancer moi aussi...

Mais je sentais que des yeux m'observaient...

Je tournai la tête pour voir que...

Pour voir que, devant moi, était une autre forme draconique familière.

Et elle était ennemie.

La tâche était ardue. Très ardue. Il devait faire attention à ne pas se faire trop remarquer par les forces de Malefor qui le ralentirait dans son entreprise, et même éviter Warfang qui, s’ils le retrouvaient avec le Général viendraient essayer de l’escorter, attirant davantage l’attention et le rendant vulnérable à de possibles attaques des soldats du village ou de la Légion Noire. ÊTRE UN Maître-Espion pouvait parfois être vraiment casse-pied, et même s’ils exaltaient l’intellect, l’instinct et la réaction de Strenth, être sous pression constante avec autant de variables étaient pénibles pour le gris.

Mais le pire, c’était sans doute de jouer les protecteurs. Strenth était d’une nature solitaire, et le seul fait de devoir se trimballer, de servir littéralement de béquilles à quelqu’un qu’il ne connaissait nullement le révulsait. Oh non. Le pire, c’était de jouer les protecteurs pour un dragon plus grand que lui, presque blessé à mort, qui débitait des incohérences à cause de son état qui le laissait bien sonné, ses élans de paranoïa, de pessimiste, et ces foutus geignement de douleur qui retentissaient dans sa gueule de manière incessante. Il avait véritablement envie de laisser tomber son « compagnon » et de lui trancher la jugulaire. Un coup précis, et même pas une seconde suffirait. Mais l’une des qualités de Strenth, c’est qu’il savait contenir sa rage, ses plus grandes folies jusqu’au bon moment. Alors il ne laissa rien paraitre de sa grande exaspération, garda un calme apparent et une détermination de sortir de là qu’on pouvait lire dans ses yeux. Ses yeux d’ailleurs, avec le contact du Général, avaient changés : ils arboraient à présent une puissante lueur vert, aussi intense qu’une émeraude exposée au soleil.

Heureusement pour lui, l’extraction s’avérait un peu plus simples grâce à la panique provoquée par l’arrivée soudaine de Warfang à l’intérieur du village. Strenth restait tout de même sceptique : comment avaient-ils réussi à s’introduire dans ce village alors qu’il semblait tellement gardé par la Légion Noire et les quelques habitants déjà embarqués dans les affaires de Malefor ? Peu importait en réalité puisque cela l’arrangeait, à condition de ne pas entrer en contact avec ses « alliés » avant de sortir d’ici.

Hélas, on ne peut pas avoir tout ce que l’on souhaitait, et même si Strenth détestait quand les choses ne se passaient comme il l’entendait, il connaissait les risques que cela arrivât et improvisait comme il le pouvait. Il vit un dragon aux écailles brunes arriver vers lui, et plus loin, dans l’encadrement d’une fenêtre, il pouvait voir des reflets sombres, mais légèrement orangés que le Maître-Espion put reconnaître, mais ce qui le frappa plus encore, c’était ce vert émeraude qui rutilait dans les yeux du dragon. Igniis, le roi de Warfang, était ici.

Cela n’annonçait rien de bon pour lui. Malefor avait été catégorique : s’il croisait Igniis, il ne se priverait pas de le tuer et de l’humilier. Si cela pouvait présenter des avantages pour cause une nouvelle instabilité politique au sein de Warfang, Strenth ne souhaitait pas vraiment voir l’orangé périr. Cela n’irait pas vraiment dans son sens. Il était un roi stupide et facilement manipulable. Il n’aurait pas souvent une telle occasion, alors il devait essayer de le garder en vie.


— Général ! Cria le nouveau venu de Warfang. Strenth lui intima de la boucler d’un coup de queue au sol et traina le pauvre soldat blessé jusqu’à l’embouchure d’une ruelle pas trop loin. Il le déposa sur le flanc puis se tourna vers son allié.

— Tu veux qu’ils nous attaquent tous ou quoi ? J’allais profiter du chaos pour retourner au camp.
— Tout le campement s’est infiltré dans la ville. Il semblerait que les premiers combats aient commencé. J’étais avec Igniis en train de chercher le Général, que vous semblez avoir trouvé. J’ai reconnu vos écailles grises : vous êtes l’éclaireur qui est parti ave Mirth, mais vos yeux sont différents…
— Le campement est vide ? Bon… Va trouver Igniis. Le Général a besoin d’être sorti d’ici au plus vite, il est gravement blessé physiquement et mentalement. J’ignore ce qu’ils lui ont fait. Je…

Un reflet qui dérangea ses yeux l’interrompit. Une sombre masse fondait à la verticale en direction du dragon à qui il parlait. Il n’avait pas le temps de le prévenir, ni de le bousculer (du moins, pas sans se blesser lui-même). Il utilisa alors son pouvoirs, mais rien de ce qu’il n’avait fait jusqu’à maintenant ne se produit : un fin mur de terre et se leva du sol, assez haut pour bloquer une hallebarde qui, à défaut de se figer dans le crâne d’un dragon, trancha quelques centimètres du mur et y resta bloqué. Strenth n’attendit pas d’avantage et saute par-dessus le mur pour passer de l’autre côté et habilement se retourner en l’air pour trancher la gorge de l’homme-félin opportuniste. Son corps sans vie tomba du mur qui lui-même s’écroula. Le soldat qu’il venait de sauver écarquillait les yeux devant la hallebarde qui était tombée non loin devant lui.


— M-merci…
— Ton nom ?
— Zedd.
— Ressaisis-toi et aide moi à le transporter.

Ils ne purent l’amener ensemble que dans la grande rue où ils se trouvaient avant, et des soldats de la Légion Noire se trouvaient devant eux. Bien sûr, Strenth ne pouvait pas leur faire signifier qu’il était dans leur camp, car cela le trahirait. Il lâcha de nouveau Thomson et se mit en position de combat, grognant.

— Quelle merde…

- Ton impertinence est d’autant légendaire de te montrer ici, avorton. Selon moi, une petite leçon dont ton peuple se rappellera pour les décennies à venir s'impose.

C'était Malefor. Et sa voix caverneuse et terrifiante résonna. Je le regardai droit dans ses yeux jaunes tout comme il sembla le faire dans les miens.

- Fuyez ! dis-je aux deux autres tandis que je restai là où j'étais, mon objectif étant de leur donner assez de temps pour dégager de la ville.

Alors Malefor fonça vers ma direction, entouré de ténèbres. Et, ce, de façon extrêmement offensive, crocs et griffes en avant. Il allait falloir encaisser ou esquiver ou parer. J'avais mes griffes en Infernium sur moi, j'avais mes chances... Toutefois, ce qui était sûr, c'est que mes chances durant ce combat allaient être assez basses. Mais elles allaient être présentes. Ce n'est pas comme si j'avais le choix d'essayer, de toute manière...

Tandis qu'il approchait, je fis mon choix.

Et je restai sur place : j'allais encaisser... et contre-attaquer en même temps. Ainsi, je me mis sur mes positions de combats et j'enflammais mes pattes et mes griffes. Et, quand il fut assez proche de moi, je lui dis avec un sourire :

- Content de voir que tu me donnes autant d'attention, mon cher !

Et je fis vers sa direction un balancement de la part de ma patte droite ! Je n'allais peut-être pas toucher, j'en étais même sûr, mais c'était surtout pour ne pas me prendre le coup. Il allait aussi falloir que je me méfie de ses éléments. C'était un ennemi extrêmement puissant, après tout. Mais je n'allais pas abandonner... Non, j'allais tout donner ! J'allais moi aussi être un annemi corriace !

Ainsi, les deux Rois Maudits étaient enfin réunis et un combat titanesque venait de commencer...

Dans cette cohue générale, Strenth n’avait pas vu le roi de Warfang qui se trouvait un peu plus bas dans la même rue. Cependant, il entendit clairement les paroles glaciales de Malefor. Même s’il savait qu’il n’était pas visé, mais pourtant… Il avait l’impression d’être la cible de cette voix et de cette horrible menace. Son cœur se mit à battre plus fort encore. Il y avait quelque chose chez ce dragon… Une sorte d’aura de charisme ou de présence qui pesait, et chaque action, chaque parole, ne faisait qu’appuyer son oppression physique. Etait-ce là un des pouvoirs des violets ? Rarement Strenth n’avait ressenti ainsi la crainte d’échouer… D’habitude, la crainte existait, mais que parce que le plan devrait être modifié. Il savait qu’il avait tout de même une autre issue de secours, mais ici, cela semblait différent. A côté de Malefor. Il avait l’impression que l’échec était intolérable, et qu’aucune porte de sortie ne pouvait exister. Cela lui glaça le sang.

Mais il devait se concentrer. Il se ressaisit, et une fois l’ordre d’Igniis prononcé, il ne recula pas. Il agrippa le commandant et s’engouffra dans une autre rue à la suite de Zedd. En se retournant, le maître-espion put voir qu’Igniis avait enflammé ses écailles et ne bougeait pas d’un centimètre. Strenth ne put s’empêcher de grogner de frustration.

— L’imbécile va se faire tuer s’il reste statique ainsi ! N’a-t-il jamais combattu ?!
— Je suis sûr qu’il sait ce qu’il fait.
— On ne peut pas le laisser seul contre Malefor ! protesta Strenth.
— Et nous ne pouvons pas laisser le commandant ainsi. D’autres renforts viendront l’aider ! Nous devons nous extraire tant que l’on le peut encore ! Je sais ce que tu penses, mais nous faisons la bonne chose. Igniis est un dur. Il a eu son lot de batailles.

Il ne répondit pas, mais il raffermit sa prise sur le Général qui émit un gémissement tandis que Strenth continuait à le trainer. Cette action était bien suffisante pour apporter une réponse sans avoir besoin de mots. Il souhaitait rester là-bas pour au pouvoir voir comment tout se passait, s'assurer qu'Igniis ne soit pas trop mal en point... Pour ne pas dire mort, mais il n'avait aucune volonté, même en simulant, d'interférer avec Malefor... L'idée lui semblait suicidaire sans réelles raisons...

— Il est bien trop lourd pour nous deux. On n’arriverait pas à s’échapper assez vite et nous serions abattus en l’air.
— On pourrait improviser une civière, l’attacher à des cordes et en tenir chacun un côté.
— C’est trop irréfléchi et imprudent. On serait tout de même abattu par des sorts ou des armes… Ils vont sûrement essayer de couvrir les toits pour avoir la meilleure vision.

Strenth réfléchit à leurs options. Le problème de sortir par la porte, c’est que toutes les rues seraient bien vite quadrillées. Il avait en ce moment l’élément terre… C’était dangereux, mais il devait faire ça…

— Voilà ce qu’on va faire…

Un arbalétrier est sélectionné pour son œil vif, son sang-froid pour ne jamais perdre ni sa cible, ni sa visée, car un tir raté peut-être la dernière erreur de sa vie. Un arbalétrier est aussi choisi pour sa vigilance : sa faculté à connaître tout ce qui l’entoure, pour prendre pas surprise et pour ne pas être pris par surprise. C’était ce qu’on cherchait chez un arbalétrier ; du moins, quand on en a le temps. Toutes ces armes jetées, et beaucoup de « soldats » ne pouvaient pas s’improviser arbalétrier en une bataille. C’est pour ce manque de vigilance qu’un homme-félin perdit la vie, une griffe passant à travers sa gorge lui ayant ôté la vie. C’était si simple… Pour un simple manque d’attention.

Strenth se saisit de l’arme et l’examina. Elle était d’une facture assez rudimentaire, mais si ça perçait, qui avait besoin de plus ? Encore fallait-il savoir comment s’en servir, et même si Strenth avait déjà eu l’occasion de tirer avec, cela remontait à un bon moment.

Il avait traîné le corps dans les escaliers qui faisaient la liaison entre le toit et l’étage inférieur et regardait discrètement la position des autres tireurs. Certains étaient aux arcs, d’autres aux arbalètes, et il y en avait qui étaient en train de tirer dans les rues d’où s’élevaient des cris de douleur ça et là. Il décida de viser celui qui était trop préoccupé sur ses victimes et assez proche. Le tir fila et transperça l’armure, mettant le garde au sol. Strenth pouvait le voir gesticuler, mais il était hors combat, et c’était tout ce dont il avait besoin. Il arma de nouveau son arme et se leva un peu plus. A quelques rues de là, il voyait beaucoup de poussières soulevées, des rugissements… Malefor devait encore être aux prises avec Igniis. Mieux valait ne pas intervenir.

Lorsqu’il tuait ou mettait hors de nuire un autre membre de Malefor, il lançait quelques pièces prises dans la bourse du premier assassiné pour désigner le chemin le plus sûr à Zedd, qui avançait tacitement. Par cette méthode, ils eurent vite rejoint la palissade de la ville. Bien sûr, Zedd eut du travail en bas, mais il parvint à s’en sortir… Avec l’aide de quelques carreaux traîtres dans la nuque des adversaires. Strenth fut bien heureux de lâcher cette arme qui n’était pas du tout adaptée à sa morphologie et descendit avec Zedd. Suite à cela, il utilisa son élément pour fracturer la pierre. Voyant que les résultats étaient moindres, il fit jaillir un mur de pierre qui, au bout de trois essais, les remparts rompirent, et ils purent sortir. Strenth avait fait en sorte d’éliminer de possibles arbalétriers se trouvant sur les toits, mais il n’y en avait pas tant que ça : tous étaient au niveau de la place centrale qu’ils avaient pu éviter en passant de maison en maison et s’y cachant. Sortir par-là n’était pas non plus le fruit du hasard : il y avait une colline non loin, et lorsque les trois passèrent de l’autre côté, ils devinrent invisible depuis les remparts. Dans un certain angle du moins. Epuisé, les deux dragons se posèrent et se laissèrent glisser dans le sable.

— On a réussi, dit Strenth, essoufflé.
— Pas encore…

Ils s’accordèrent une pause de 5 minutes durant lesquelles ils purent entendre des rugissements, quelques explosions, et des cris lointains à peine audible dans le brouhaha de la bataille. Etaient-ce les cris de camarades warfangiens ? Lorsqu’ils repartirent, Strenth lança un dernier regard vers ce qu’il pouvait identifier de la ville, et espéra qu’Igniis s’en sortirait. Après tout, lui aussi avait envie de lui nuire… Mais cela, son destin le choisirait à sa place.