Un mal éternel (Privé : Volteer, Arboryx)

Sous l’austérité de la pierre peut se cacher des choses dont nous n’avons aucunement conscience. Les chemins que nous traversons, les maisons qui nous habitons, les tours d’où nous combattons, les ruines que nous abandonnons  laissent des traces ineffaçables d’un passé ancré jusqu’à l’intérieur de la roche. Des ossements retraçant une guerre, la rouille d’objets autrefois de valeur, les souvenirs de personnes ayant foulé le lieu, et peut-être même la voix des défunts, conforté dans leur mort, tout en ne voulant se détacher de la terre qui les a vu naître.
 
Nostalgique était le terme qu’il fallait alors que j’arpentai lentement les ruines de ce qui fut autrefois le repaire de Malefor lors de la grande guerre qui le confronta à Spyro. La Guerre des Violets : ce ferait un très bon titre de guerre, beaucoup plus illustré que le simple terme de « Grande guerre ». Aujourd’hui, je ressentais des vestiges qui me donnaient le vertige ; tant de choses s’étaient passé dans ces lieux, qui étaient autrefois censés se trouver au-dessus de la ceinture de feu qui a disparu, ne laissant derrière elle que de vastes plaines, désert de poussière inépuisable.  On ne pouvait venir ici sans un bon entrainement, et quelques ressources que je gardais auprès de mon flanc, dans une grande besace. Les autres qui osaient s’aventurer ici n’étaient que des fous ou des inconscients, car même si Malefor ne résidait plus ici, son ombre projette des menaces manifestes.
 
Rien ne me poussait réellement à venir ici. J’étais bien loin du temple, mais c’était pas un caprice sentimental que je me résolus à rejoindre ces terribles vestiges emprunts de ténèbres puissantes : mon ami, Ignitus.
 
Des trois Gardiens que j’avais eu le plaisir de côtoyer, Ignitus était sans aucun doute le plus sage, aussi le plus réservé, mais c’était un grand dragon auquel je tenais beaucoup. Son sacrifice pour Spyro et Cynder me déchira, mais je ne pouvais en tenir rigueur au héros violet. Tel était sa destinée, et Ignitus était prêt à faire cela. Il est mort comme il l’a souhaité, pour prolonger la vie de ce monde.
 
Je souris un bref instant. L’idée était noble. Je n’étais pas sûr qu’à sa place, j’aurais pu faire la même chose. La mort avait quelque chose d’étrange, et, bien que nous soyons tous condamner à y passer, le plus tard est toujours le mieux. En tout cas, je n’avais pas à m’empêtrer dans pareille réflexion. Déjà que c’était bien mort ici…
 
Je m’arrêtai dans un long couloir et frottai légèrement ma patte contre un mur dont la poussière tomba au sol. Je soupirai.
 
— Ah, Ignitus. J’ai beau me retourner inextricablement l’esprit, réfléchir seul, à plusieurs, dehors, dedans, n’importe où, n’importe comment, je sens un manque en moi. Tu étais un guide pour nous tous, et maintenant, nous avons une destination, mais pas de direction. Bien sûr, nous devons tout de même continuer à avancer, mais les débuts sont si difficiles. Tu es parti depuis peu, mais pour moi, c’est déjà beaucoup de temps ; temps que je pourrai compter en années aisément. Je n’arrive pas à trouver ce qu’il nous faut. Je viens ici pour faire le deuil, mon vieil ami.
 
Je laissai mes paroles se répercuter en un vase écho à travers les vides corridors des ruines. Un léger bruit vint m’avertir : il s’agissait du tonnerre qui avait frappé au loin. Un orage s’annonçait. Cela me fit sourire. Les orages étaient très jolis, et, en tant que dragon de foudre, cela permettait aussi d’améliorer mon moral, ainsi que ma puissance élémentaire. Mais là n’était pas le plus important ; j’espérais ne pas avoir à me battre dans ce lieu. Qui sait ce que je pourrais rameuter…
 
J’avançai un peu plus et entra dans une petite pièce à ma droite. Je découvrais totalement l’endroit ; jamais je ne m’y étais rendu. Ma curiosité me faisait voyager entre chaque salle, couloir et cour de ce sombre lieu. La salle était vide, si l’on omettait quelques pans du toit qui étaient effondré, laissant à nu un ciel couvert de nuages noirs. Cela confirmait l’hypothèse d’un prochain orage.  J’haussai les épaules.
 
— Cela suffira. Oui, après tout, je ne connais pas le lieu où il a véritablement disparu, et ce n’est pas dans l’ignorance que je trouverais une quelconque réponse. Ainsi, je dois m’en remettre à mon instinct. De toute manière, peu importe le lieu, je pense que je suis assez prêt pour que l’esprit d’Ignitus puisse m’entendre. Bien, commençons donc, avant qu’il fasse nuit noir. Bien…
 

Je sortis de ma besace un léger pot que je débouchonnai. A l’intérieur se retrouvait des pétales de roses que je déversai dans la pièce. La rose était le symbole du feu. Ensuite, je sortis une gemme qui s’illuminait d’une lueur vermillon. Je la posai au sol, m’asseyais, fermai les yeux et patientai, marmonnant quelques paroles pour Ignitus.

Alors que j’étais en plein hommage à mon ami défunt, j’entendis quelques bruits, d’abord légers, que j’assimilai en premier lieu à de la roche qui tombait de cet endroit en ruine. Ce n’était pas la première fois que je fréquentais des lieux aussi glauque et mal assurés. Les bruits étaient choses courantes, et pouvaient très rapidement devenir l’ennemi de votre esprit, pour peu que vous n’y soyez pas habitué.

Mais ces petits bruits que je pensais ambiants se muèrent soudainement en un cri de douleur à glacer le sang des plus frêles. Je fus bien entendu surpris et ouvrit mon regard doré à nouveau au monde, me levant d’un coup et regardant l’entrée de la pièce.

— Encore-toi, cria quelqu’un qui se trouvait manifestement de l’autres côté. Je ne bougeai pas, restant sur mes gardes. L’entrée était étroite, et si je passais sans être certain de ma sécurité, je pourrais bien me retrouver dans un piège.

Puis le spectacle qui me fut donné devant moi fut pour le moins… Etrange. Un dragon noir plus petit que moi roula à l’intérieur de la pièce avec une étrange créature qui le combattait, dans le flou mouvement du combat qui semblait se jouer, je pus distinguer une forme canine, mais rien de bien plus. Je décidais de passer à l’action. Manifestement, cette créature n’était pas fan de ce dragon. Je voulus d’abord tirer un rayon électrique, mais les chances de toucher l’autre étaient trop grandes. Je chargeai en baissant ma tête et la releva avec assez de précision pour dégager la créature et l’envoyer contre le mur qui s’effrita sous le coup. Je pus ainsi mieux le voir : il s’agissait d’une sorte de loup décharné, aux orbites vides, dont la principale caractéristique semblait être sa gueule. Oh, que c’était intéressant. Jamais je n’avais vu de telles créatures, ni dans ma vie entière, ni dans les livres ou romans, ou contes, ou précis, ou rouleaux, ou parchemins, ou bréviaire, même pas un guide ! Oh, je n’hésiterais aucunement à aller en parler à un libraire, ou un conteur, pour qu’il puisse peut-être le répertorier dans un bestiaire. Hélas, je n’avais pas trop le temps de m’attarder sur cela. Je fis un tour sur moi-même et écrasa la créature, qui lâcha un jappement de douleur,  entre la queue et le mur. Le crâne fut broyé, et du sang s’éparpilla sur le mur. Je lâchai la pression et laissa le corps sans vie tomber. Je regardai ma queue.


— Bravo, que c’est malin ! Regarde ma queue, à présent. Elle est salie par le sang de cette pauvre créature. Moi qui pensais ne pas avoir à faire trop de choses capable de me mettre dans un état misérable, me voilà bien loin de la vérité.

J’étalai un peu de ce sang qui coulait de ma queue contre le sol, dessinant des formes avec le sang sans trop le faire exprès, puis je considérai plus attentivement le dragon qui se tenait devant moi.

Le dragon était bien noir, au corps plus bas, mais trapu. Il avait des yeux dorés, des cornes bien symétriques, avec des pointes à divers endroits. Je ne pus pas prolonger mon observation bien longtemps puisque des rugissements divers survinrent alors aux alentours. La direction était dure à identifier. J’avais l’impression que cela venait de partout à la foi. Etait-ce lui qui venait de rameuter tout ce beau mon ici ? Hélas, pas le temps de tergiverser plus avant. Il fallait plutôt bouger.

— Eh bien bonsoir à vous. Je vais être assez bref, être concis le plus possible afin que nous ayons le temps de pouvoir prendre de l’avance : je ne sais pas vraiment qui vous êtes, ce que vous faites là, etc, mais je vous conseille de me suivre. A deux, nous aurons plus de chances de les tenir, en trouvez-vous pas ? Commençons par sortir de là. La pièce est bien trop exigüe, j’ai besoin d’espace.

Je lançai un dernier regard à cette pièce où j’avais laissé tous mes objets pour rendre hommage au Gardien du feu puis je la quittai.

Une fois dans le couloir, une de ces créatures se tenant dans les trous de la toiture en profita pour sauter dans mon dos. Je fus légèrement déstabilisé mais je ne lui laissai pas le temps de me mordre, sautant tout en me retournant pour atterrir sur le dos et écraser mon adversaire qui préféra plutôt hurler jusqu’à ce que son corps soit complètement broyé plutôt que de me mordre. Je me relevai et regardai le cadavre.

— Quel gâchis que de devoir tuer encore des êtres vivants. Vous savez, je peux les comprendre. Oui, ces créatures ont l’air maléfique à leur apparence et à cause de fait qu’elles veuillent nous tuer, mais finalement, accuser quelqu’un de sa laideur, c’est un peu comme si nous accusions des personnes nées mal formées ou malade. Non, ça ne se fait pas, et on ne peut aussi facilement assimiler la laideur à quelque chose de maléfique. Et puis oui, d’accord, ces créatures ont faim, ont les crocs, comme on dit, mais honnêtement, si vous étiez une créature réanimée par de sombres pouvoirs persistant sur une terre désolée où il n’y a que poussière et vaste plaine stériles à des kilomètres, vous ne seriez pas content de voir quelqu’un à  manger pour ce sustenter ? Ah, je vous pose la question, tiens, oulà…

Je regardai devant moi, et j’avais l’impression que ce groupe de… Choses venait apparaître dans le couloir, à une dizaine de mètres de nous. Décidément, la nouvelle présence du dragon me faisait gagner ma parole, mais perdre ma concentration. Je commençai, pour me préparer, à faire circuler de l’électricité autour de moi, prêt à l’expulser à tout moment.

C’était comme une vague incessante ! A chacune de leurs attaques, d’autres revenaient. Mais ce n’était pas ce qui m’effrayait, bien au contraire ; cela ne faisait que m’enhardir davantage. Je comprenais très bien le comportement collectif de cette meute. Ils n’étaient pas plus nombreux, ni infinis, mais cette stratégie n’était qu’une illusion pour décourager les opposants. Dommage pour eux, j’avais une volonté de fer. Jamais je ne renoncerai !
 
C’était ainsi que je continuais à me battre au côté d’un inconnu que j’acceptai comme compagnon de fortune. Que c’était plaisant, d’avoir un partenaire dans un lieu aussi isolé que celui-ci. Moi qui avait peur de me retrouver seul trop longtemps, j’étais rassuré… Même si les circonstances de cette rencontre étaient pour le moins déplaisante. Mon corps était à présent souillé par le rouge du sang de mes adversaires. Pas partout, mais quand même… Je ne me sentais pas propre, et je puais l’odeur viciée de ce liquide cramoisi.
 
— Gardien ! En arrière !
 
J’entendais mon partenaire hurler du mieux qu’il pouvait pour couvrir le tonitruant bruit des hurlements, raclements de griffes et tumultes de la mêlée générale. Heureusement, je l’entendi et m’exécutai en évitant des coups de crocs d’un bond en arrière. J’atterris sans le faire exprès sur un de ces monstres qui comprit la différence de taille et de poids qu’il y avait entre nous. Je ne savais même pas ce qu’il faisait là, alors il l’avait un peu cherché…
 
—Ah, désolé…
 
Mes mots furent effacés par un geignement puissant d’une bête. Suite à cela, je ne vis pas grand-chose, mais entendis. Un grand fracas de pierre se déclencha alors et une pluie de pierre menaça l’édifice. Tout devint alors noir devant moi. D’instinct, je me baissai et protégeai ma tête avec queue et ailes, écoutant l’infernal tintamarre de l’effondrement en priant pour qu’il ne m’arrive rien. Les premiers cailloux qui touchèrent mes épaules me firent frémir, mais il n’y eut rien de plus grand. Un nuage de poussière avait été soulevé par l’éboulement. Lorsque tout fut fini, je reniflai bruyamment. Mes yeux piquaient aussi légèrement à cause de la poussière soulevée.
 
— Gardien ? Vous êtes toujours là ?
 
C’est à ce moment-là que j’éternuai, suivi d’une quinte de toux qui pourrait en inquiéter plus un de par sa tonalité rauque. Pourtant j’allais bien, j’étais juste harcelé par cette foutue poussière, bien pire que celle des vieux livres de la réserve de la bibliothèque ! Je remuai légèrement la tête et essayait de parler, mais cela me chatouillait la gorge et je toussai de plus belle.
 
— Gardien… J’espère que vous n’avez pas peur du noir…
 
Je levai soudainement la tête. Mon corps s’entoura alors de légers arcs électriques permettant d’éclairer à quelques mètres devant moi. Oh, bien sûr, je pouvais projeter bien plus puissant, mais cela me fatiguerait aussi bien plus rapidement. Cela suffisait, et au moins, mon partenaire me voyait.
 
— Peur du noir ? Non, aucunement, n’allez pas vous embêter avec de tel détail… Oh, à moins que ce soit vous qui ayez peur du noir ? Si c’est le cas, n’ayez aucune crainte à avoir. Mon électricité vous protégera des ténèbres à présent, mais, vous savez, il ne faut pas être effrayé par le noir. Après tout, ce n’est qu’un manque de lumière, et pas une matière consistante – Je ris. Si jamais vous avez peur du noir, je peux vous proposer quelques conseils, tels que dormir avec une toute petite veilleuse, et en baisser l’intensité de soir en soir, ou bien affronter directement votre peur. De toute manière, j’ai l’impression que vous êtes capable de vous débrouiller, étant donné que vous avez entamé une belle rixe avec ces créatures, que je n’avais pas vu, d’ailleurs, jusqu’à ce que vous les rameniez jusqu’à moi. Oh, ne vous en faites pas, je ne vous en tiens aucunement rigueur, ce sont des choses qui, hélas, arrivent. Mais, par le Chroniqueur, qu’avez-vous fais pour les attirer ainsi… ?
 
Je me tus enfin et regardai devant moi. J’avançai légèrement jusqu’à voir que devant moi se trouvait un trou béant : le sol ici s’était partiellement effondré. En contre-bas, on entendait de l’eau couler en petite quantité. Les étages inférieurs de la structure devaient être inondés par un lac souterrain.  On pouvait visiblement continuer tout droit. En tout cas, c’est ce que je pensais en voyant les quelques mètres que ma vision me permettraient de voir. Toutefois, le sol ne risquait-il pas de s’effondrer sous notre poids ?
 
— Bien, j’ai l’impression que nous devons essayer de continuer… Mais qui êtes-vous, exactement ?

Lorsque j’entendis le dragon qui m’accompagnait répondre à ma demande, je cessai d’examiner le trou qui se trouvait dans le sol pour à nouveau reporter mon attention sur cet inconnu avec qui je partageais bien peu d’espace, dans la pénombre, seulement éclairée de mes quelques éclairs. Il prétendait être un tapissier qui faisait route vers l’ouest, s’était perdu, et devant lui se trouvait le résultat de cette péripétie. Je penchai légèrement la tête tout en l’observant, perplexe, pendant une période de silence que je ne me pensais même pas capable de tenir. Toutefois, mon attention n’était pas sur lui à proprement parler, mais sur une écaille qui s’étaient incrustée dans le flanc de mon camarade de fortune. C’était une des miennes ! Je m’empressai d’aller vers lui et retirai l’écaille en poussant une exclamation.
 
— Ah ! Que je m’incruste partout, c’est fou ! Peut-être que cette écaille est une sorte de métaphore de mon être : s’attacher partout très facilement !
 
Je ris, puis lui sourit.
 
— Je suis sincèrement navré pour votre cargaison, cher tapissier. Alliez-vous à Warfang ? Si c’est le cas, laissez-moi vous raccompagner après nous être sortis d’ici. Je pourrai même vous rembourser une partie de votre chariot une fois de retour, qu’en pensez-vous ? Oh, n’allez pas refuser ma proposition, car si je le fais, c’est par empathie pure pour votre personne. Je sais à quel point il est douloureux de déplorer la perte de marchandises auxquelles nous tenons, particulièrement lorsque nous les avons confectionné nous même ! Vous êtes artisan, n’est-ce pas ? Mais peu importe ; sachez que, dans ma tendre jeunesse, j’ai moi aussi fait le transport de marchandises. De la vaisselle, bah ! Et une fois, j’étais sur une route un peu trop escarpée et bossu, et j’ai renversé une petite centaine d’assiettes en porcelaines ! On m’a grondé, mais il fallait me connaître étant plus jeune, aussi. J’étais un vrai passionné, pris de la fougue que la jeunesse nous instaure… Et je n’étais pas très adroit non plus, il faut le dire, mais peu importe ! Cela ne m’a pas empêché, par la suite, de devenir Gardien. Je suis ainsi l’exemple qui montre qu’avec de la volonté, nous pouvons être la personne que nous voulons. Bien, et où en étions-nous ?
 
Je laissai la question en suspens, car d’autres idées traversèrent ma tête.
 
— Oh, je viens de me rendre compte que je ne me suis pas présenté, bien que vous sachiez déjà qui je suis. Volteer, Gardien de la foudre. Appelez-moi Volteer, cela me conviendra ! D’autres m’appellent « Volt », ou « Volty », et bien d’autres, mais j’aimerais mieux que vous vous en absteniez, je vous prie. Je ne laisse que des personnes plus proches me nommer ainsi, parce que, les surnoms, tout le comme le nom, ont, à mon sens, une signification bien particulière, c’est un peu le prolongement de l’âme, de l’identité, que son nom. Si on perd son nom, on se perd un peu. Qu’en pensez-vous ? Oh, je pourrais parler un bon moment sur ce sujet. Savez-vous, que, à plusieurs reprises, j’ai essayé d’écrire des livres ? De philosophie, surtout, même quelques essais, mais j’en suis incapable hélas ! Je ne peux pas rester en place plus de dix minutes, et je n’ai, à ce jour, trouvé aucun moyen me permettant d’écrire tout en tenant ma langue et mes pensées bien en place. Mais…
 
J’entendis un léger grondement et des raclements provenant de l’autre côté de l’éboulis, me forçant à m’interrompre. Je soupirai.
 
— Ça suffit, dis-je à mon interlocuteur. Nous n’avons pas le  temps de parler, il faut avancer ! Suivez-moi donc. J’ai senti un courant d’air, par-là.
 
Ni une ni deux, je décidai de sauter dans le trou à travers la pierre. Il n’était pas bien profond, quelques mètres. Je retombai sur mes pattes et continuai d’éclairer l’endroit. Il s’agissait d’une salle carrée, avec une seule sortie. Sur les murs, il y avait différents dessins gravés dans la pierre même. On aurait dit des rituels. Je frôlai les gravures de la patte.
 
— Un mal sévissait ici, bien avant Malefor. Bien avant nous, j’en ai des frissons. Je n’aime pas cet endroit.
 
J’avançai vers le couloir, et sentit sous une de mes pattes le sol s’enfoncer un peu plus. J’avais activé une dalle de laquelle je bondis en arrière rapidement, surpris que je fusse. Une lame frôla mon museau pour se planter dans le mur. Je regardai d’où venait le projectile et me rendis compte qu’il y avait des orifices dans ce mur, et les lames probablement bien rangées à l’intérieur.
 

— Pfiou... Et même si ce mal est ancien, ceux qui voulaient protéger cet endroit ont réussi à faire fonctionner ces mécanismes jusqu’à maintenant. La prudence est de mise. Regardez-bien où vous marchez.

Je me massai le museau, toujours conscient que j’ai failli le perdre à cause d’une erreur de débutant. Sérieusement ; je me trouvais en ce moment même dans un Temple autrefois en possession de Malefor, duquel sont gravés dans le roc d’étranges dessins faisant probablement référence à des rituels macabres. Comment ne pouvais-je pas être sur mes gardes et ne pas penser que l’endroit renfermerait de grands dangers ? La réponse vint vite ; elle était stupide, mais cela n’empêchait qu’elle permettait d’expliquer ce manque cruel d’attention de ma part : cela faisait longtemps que je n’étais pas parti à l’aventure. Ah ! Terrador me l’avait dit cent fois, que de rester dans ce temple et se limiter à quelques visites de Warfang ne serait pas bénéfique sur le long terme. Je m’étais sans aucun doute trop habitué au confort du quotidien, et même si je m’entrainais toujours à la pratique du combat et de la foudre, il n’en demeurait pas moins que mon expérience du combat s’obscurcissait. Oui, Terrador me l’avait dit, et maintenant j’en payais un peu le prix. Au moins, cette grande excursion me permettait de retrouver quelques bases. Cet ancien temple n’était peut-être pas le meilleur endroit pour se réhabituer, mais au moins, la difficulté de l’exercice m’obligerait à rapidement retrouver mes réflexes. Je m’étirai et remuai un peu les épaules pour garder mes muscles en activité.
 
Alerté par les frottements métalliques de la lame contre la roche, mon compagnon de fortune fit volte-face pour me rejoindre. Il ne semblait pas vraiment rassuré, et regarda devant lui la route que nous comptions emprunter. Il scruta un peu le sol et proposa de passer devant. L’initiative me paraissait bien curieuse pour un simple marchand de tapis. Beaucoup auraient préférés me laisser devant, car j’étais sans doute la personne avec le plus de connaissance et capable de déjouer des pièges. Oui, maintenant que j’en avais croisé un d’un peu trop près, je risquais de redoubler d’attention.
 
— Est-ce bien raisonnable, Arboryx ? Peut-être devrais-je guider la voie…
 
Ma phrase n’était même pas compétée que déjà le dragon était passé devant, mesurant chacun de ses pas avec une précaution admirable. Inquiet des risques qu’il prenait, je me tus et ne tardai pas à suivre, les muscles prêts à réagir si jamais un danger soudain devait survenir. Il ne s’agissait plus uniquement d’exploration ici, mais bien de protection : mon devoir de Gardien m’obligeait à faire attention au camarade qui se retrouvait coincé avec moi. Mon rôle était de protéger mes semblables, et je ne comptais pas faire autrement.
 
J’avais l’impression de m’inquiéter pour rien, puisqu’au fur et à mesure que l’on progressait, Arboryx semblait très bien s’en sortir, décelant les pièges, qui étaient souvent des plaques de pressions, parfois grossièrement placé, et parfois avec une minutie terrifiante : certain ne tenaient vraiment pas à ce que des intrus progressent dans les parages. Mais des pièges cachaient forcément un secret. Que pouvait-on bien essayer de dissimuler ici, autrefois ?
 
Au bout d’un moment, je perçus d’étranges sons, très faiblement. Je me disais qu’il s’agissait simplement d’une illusion de mon esprit, un son produit par ma propre ouïe à cause d’un phénomène dont j’ignorais tout, mais plus j’essayer de passer outre cette impression de son, plus elle semblait persister et s’intensifier. Je pus entendre comme l’écho lointain d’une voix qui susurrait des syllabes indistinctes, sans réel sens pour moi. Etait-ce une langue ancienne, dédiées à une quelconque cérémonie ? Etais-je en train de devenir fou ? Non, bien sûr que non. Mais cette voix. Etait-elle une manifestation de mon esprit ? Gardant mon calme malgré cette étrange voix, je regardai mon partenaire qui semblait se faire un peu plus hésitant : il regardait davantage derrière lui. Oui, quelque chose se passait, et c’était cet endroit qui semblait le provoquer.
 
Nous arrivâmes à la fin du couloir piégé. Devant nous se profilait deux chemins, l’un allant à gauche, et l’autre à droite. Le silence était si lourd, que j’eux envie de le briser, bien plus envie que d’autres fois. Arboryx s’en chargea pour moi, ce qui me fit légèrement sourire. Hélas, mon rictus ne dura point, puisque je remarquai que mon camarade infortuné s’était adossé contre un mur. Il semblait fatigué.
 
— Une pause ? Je ne me sens pas fatigué, mais je peux comprendre votre état. Après tout, j’imagine que courir jusqu’ici n’a pas été chose aisé, et puis, il y a toutes ces émotions véhiculées en un rien de temps ! Je suis habitué à ces choses-là, mais peut-être pas vous, non, bien sûr.  Par contre, je ne suis pas certain que ce soit une bonne idée de nous séparer, même un court instant. En restant ensemble, nous avons plus de choses de pouvoir nous entraider en cas de problème. Oh, et si j’ai bien appris quelque chose dans ce genre de lieux « maudits », c’est qu’il faut que l’on se dise tout, même si cela peut paraitre peu important ou stupide. Cela permet de nous rassurer, et même de confirmer certaines choses. Par exemple : j’entends parfois une sorte de voix murmurer. Est-ce que vous avez les mêmes choses ? Oh, et tant qu’on y est, peut-être que votre soudaine fatigue vient de là ? Si tel est le cas, nous ne sommes pas dans une bonne situation. Je vais attendre avec vous que tout rentre dans l’ordre. Nous continuerons après, rien ne presse.
 
Du moins, c’était ce que j’espérais. Je vins m’allonger en face de lui et soupirai. La voix semblait avoir disparue pour ma part. Quels étaient donc les mystères de ce lieu ? Il fallait que je continue de garder la conversation avec Arboryx : dans cette situation, l’un était complémentaire à l’autre. Nous pouvions nous rassurer, parler, ne pas céder à la paranoïa ou la folie. C’étaient des symptômes courants lorsque l’on errait trop longtemps dans un lieu désolé, que le superstition voudrait que l’on croit hanté d’un mal qui, soit n’exister pas, soit essayé de vous faire perdre la tête.
 
— Avez-vous fait un entraînement militaire avant de devenir marchand ? Vous réagissez un peu comme un éclaireur. Vous semblez bien observer, et la manière dont vous avez voulu passer devant me fait penser que ce n’est pas la première fois que faites cela ; sinon vous auriez préféré que je prenne les devants, ce qui aurait été plus naturel. Parlez-moi un peu de votre passé, si vous le voulez bien. Je pense que cela nous fera du bien à tous les deux. Je peux vous proposer de faire de même, si vous ne vous sentez toujours pas de repartir d’ici là !
 

J’accompagnai ces paroles d’un sourire. Mon optimisme naturel allait encore bien aider, ce coup-ci, je le sentais. En y songeant, j’étais heureux d’être ainsi : j’étais, pour certain, une sorte d’éponge, capable d’absorber les angoisses et les craintes des autres. J’étais la lumière dont beaucoup avaient besoin pour ne pas crouler sous un monde qui pouvait parfois paraitre bien sombre. Comme beaucoup auparavant, j’étais cette lueur dans les ténèbres.

La question semblait l’avoir pris au dépourvu, et il démentit instamment une quelconque affiliation avec la carrière militaire. Il aurait appris sur le tas. J’étais prêt à croire beaucoup de choses à un certain degré, mais si vraiment il n’avait jamais pis exemple sur l’armée, certaines de ses décisions étaient étranges, et puis, ce ricanement me paraissait un peu faux. Je n’allais pas m’en courroucer. Clairement il ne me racontait pas toute sa vérité, mais qui ne mentait jamais ? Ah ! Ces imbéciles de philosophes prônant un monde parfait régit sous une vérité universel ne pouvait exister, et contrairement à ce que l’on pouvait penser, mentir n’était pas toujours un tort. Peut-être Arboryx m’épargnait-il quelque chose et ne me racontant pas tout. Je ne pouvais pas lui en vouloir. Je ne pouvais que le pousser à se confesser lorsqu’il se sentirait prêt à le faire. Mentir peut être bénéfique, mais il ne faut tout de même pas oublier que dans certaines circonstances, il est important de connaître la personne que l’on a en face. Arboryx était le seul individu raisonné que je pouvais être susceptible de croiser dans les environs. Alors il fallait que nous ayons une confiance mutuelle. Dans le cas contraire, cela finirait en paranoïa collective, des peurs infondées, et peut-être bien pire.
 
Ma tête commençait légèrement à tourner. Dans un léger grognement, je posai une patte contre le mur pour ne pas trop tomber, car mon corps commençait à dangereusement chanceler. Une étrange voix, semblant être d’un autre monde, me parlait. Je sentais une imposante menace dans son ton.
 
Tu n’as rien à faire ici. Tu es un intrus dans ce lieu !
 
— Trouver le Nohonor… Oui, c’est ça. Il faut trouver la pierre.
 
Je secouai la tête et me concentrait. Quelque chose essayait de brouiller mon esprit. Je fermai les yeux et pensais à des souvenirs de mon enfance. Ma jeunesse dans un petit village de dragons, ma croissance, puis ma réception dans le temple où j’allais commencer mon apprentissage pour peut-être devenir le Gardien de la Foudre… Ce que j’avais réussi à faire. Ce fut, ce jour-là, l’un des plus grands moments de ma vie, car elle l’avait grandement changé, et c’était une promesse de prendre soin d’un monde qu’on me confiait, à moi et mes collègues. Cette entité n’avait aucun pouvoir sur moi, car mes convictions étaient fortes, très puissantes !
 
Le mal de tête cessa promptement, et je pus arrêter de m’appuyer contre ce maudit mur, ou plutôt ce maudit temple. De puissantes forces semblaient régner ici, mais quoi ? Des esprits ? Je savais que Malefor avait traîné ses pattes ici par le passé, mais est-ce qu’au moins avait-il vraiment un lien avec toute cette folie ?
 
Lorsque je relevai la tête, je pus constater que mon compagnon de fortune ne se trouvait plus dans la pièce. Au contraire, je pouvais l’apercevoir au bout du couloir. Il courait. Je secouai la tête en grondant et je le suivis le plus rapidement que mon corps encore un peu confus le permettait.
 
— Attendez, Arboryx ! Nous ignorons totalement ce dans quoi nous nous engageons. De terribles desseins sont à l’œuvre ici. D’étranges vices sévissent ici et cherchent à nous nuire ! Est-ce que vous m’entendez ? Arbo…
 
Après avoir passé un dédale de murs se ressemblant tous, avec ces mêmes inscription que dans la pièce que nous avions inspecté auparavant, je parvins à rejoindre Arboryx dans une pièce carrée, ressemblant à tant d’autres ici, à la différence que d’étranges sculptures remplissait l’espace. Au centre se trouvait un autel.
 
—… Rix.
 
Je circulai avec grande précaution entre les statues. Chacune semblait d’une différence telle que j’en conclus que ce n’était jamais le même sculpteur qui avait intervenu. Les expressions passaient d’un effroi terrible à une colère séculaire. Chaque statue racontait une petite scène dont les émotions étaient si fortes que je doutasse que l’œuvre en elle-même permettait une telle chose. Je sentais de la magie noire dans cette pièce. Un grand mal charmait l’endroit. J’en eus des frissons et me tournai vers Arboryx, qui se trouvait devant l’autel. Je tendis une patte vers lui.
 
— Que faites-vous ? Nous devrions faire demi-tour, ce temple est…
 
Puis tout devint blanc. Chaque ombre, chaque silhouette dessinée par la luminosité particulière de la chambre s’effaça. Je me protégeai avec mes deux ailes et fermait les yeux si fort que j’en eu mal. M’agenouillant, je me préparais à réagir le plus vite possible à tous dangers susceptibles de nous menacer.
 
J’entendais Arboryx qui m’appelait,, qui s’excusait. Il mentionna un contrat. Mais la panique dans laquelle je me trouvai en l’instant me fit oublier ce détail, la priorité étant davantage de comprendre ce qui arrivait. Lorsque je pus recouvrir la vue, je le vis devant moi qui serrais quelque chose dans une de ses pattes. J’étais coi (assez rare pour le mentionner). Une sphère cramoisie. J’avais l’impression que quelque chose bougeait à l’intérieur. Une forme légère, noire, comme un voile. Je n’osai pas m’approcher de mon compagnon de fortune, et me contentai de pointer l’objet de la griffe.
 
— Quel malheur ! Pourquoi tenez-vous ça ? Ne le sentez-vous pas ? Cet objet est l’œuvre d’un démon. C’est un artefact rempli d’une vilenie tel qu’elle pourrait causer bien des maux. On dirait que cet objet attend quelqu’un pour la sortir d’ici…
 
Je me retournai. L’atmosphère avait changé. Le silence était si pesant que j’avais l’impression qu’il devenait matière et m’étouffait.
 
— L’objet contient les intentions d’un être qui aurait dû depuis longtemps quitter ce monde. Hélas, je crains qu’atteint de malice, il n’a pas souhaité partir, ses projets inaccomplis. Je sens une grande et obscure force à l’intérieur de cette sphère, et elle n’attend que d’être sortie d’ici et d’être déverser. Cet objet ne doit pas quitter cet endroit. M’est d’avis que nous le détruisions maintenant que nous en avons l’occasion. Lâchez l’objet !
 
Des arcs électriques s commencèrent à m’envelopper, mais un puissant tremblement de terre m’interrompit. Je regardai autour de moi et ne vis rien. Le sol semblait bouger sous moi et me forcer à me cramponner pour ne pas trébucher. Les statues (qui représentaient d’étranges démons avec des ailes horriblement petites pour leurs corps) aussi, se mirent à bouger, une lueur orange éclairant l’emplacement destiné aux yeux. Déjà elles nous encerclaient. Le tremblement de terre cessa, et je reculai pour me placer aux côtés de mon allié, presque au centre de la pièce, près de l’autel.
 
La situation était assez critique. Nous étions encerclés. Il y avait deux chemins possible : là d’où nous venions, et à l’opposé, un chemin qui semblait aussi continuer vers une très large pièce. Malheureusement, ces gardiens de pierre bloquaient le chemin, et nous risquions de finir en bouillie : ils étaient trop nombreux. Je n’avais pas vraiment le choix. J’aurais aimé utiliser ma furie élémentaire, mais, premièrement, la foudre serait inutile contre la pierre, et puis, elle risquait aussi de toucher mon équipier. Je fermai les yeux, me concentrant. Toute la foudre apparut alors devant moi et matérialisa une patte de dragon assez grande. Lorsque mon sort fut prêt, je balayai de ma patte l’air, et la griffe électrique suivit le même chemin, balayant toutes les statues autour de nous, les poussant contre d’autres statues qui tombaient comme des dominos. Je me démenai ainsi jusqu’à ce qu’un chemin fut libre, et ce fut celui que nous n’avions pas encore emprunté. Afin de sauver des forces, j’interrompis mon sort.
 
— Par-là… On va par… là, dis-je en reprenant mon souffle et en empruntant le chemin, en trottinant. Mon flanc me faisait mal : j’avais un point de côté. Cette attaque me fatiguait beaucoup trop : j’y mettais un effort considérable et soudain. Mais je me rassurais : cela passerait vite.
 
Reprenant mon souffle, j’arrivai dans une vaste pièce où tout n’était que vide. Les murs semblaient se trouver à au moins un kilomètre de distance, et il n’y avait qu’un pont long d’au moins 500 mètres, et très fin, ne permettant pas à deux dragons de passer côté à côté.  En bas, on ne voyait rien : le précipice était si grand qu’il n’accueillait que la pénombre. Un grand portail se trouvait au bout du pont.
 
— Il faut continuer… D’avancer, dis-je en déployant mes ailes.
 

Et je pris le raccourci de voler. Mon point de côté me tiraillait, mais je luttais contre cette douleur, et chaque coup d’aile ne faisait que davantage me motiver à avancer. Je serrai les crocs, poussant parfois quelques grognements, jusqu’à enfin arriver devant le portail qui était ouvert. Je me posai devant et guetter mon acolyte. Les statues marchaient sur le pont dans ma direction, mais elles étaient lentes : elles n’étaient même pas encore arrivées à la moitié du pont.

Pour ma plus grande stupeur, les statues se stoppèrent à l’unisson, sans même être arrivée au milieu du pont. Ces étranges démons de pierre levèrent les bras en l’air, et psalmodièrent dans une langue très gutturale, de laquelle je ne connaissais rien, malgré toutes les connaissances que j’avais pu engranger grâce à mes nombreuses lectures, expériences et voyages. Pourtant, je pus reconnaître certaines intonations assez particulières, qui me permirent de me souvenir d’un chant qui pourrait avoir les mêmes origines que celui-ci.
 
Bien sûr, j’étais quasiment dans le même état d’incompréhension que mon camarade qui se posait les mêmes questions que moi, tout haut.
 
— Je ne suis pas certain de pouvoir comprendre ce qu’ils chantent, mais cela m’a tout l’air d’être une sorte de chant de conjuration. J’ai déjà vu ce geste dans des rituels démoniaques. Lever ainsi les bras permettrait apparemment d’attirer leur maître avec leur essence la plus malfaisante. Le chant, j’imagine, sert de louange.
 
Je serrai les crocs.
 
— Vous avez raison : cela n’a rien d’engageant du tout. Cet objet que vous avez récupéré a réveillé un mal endormi ici depuis des siècles, peut-être des millénaires. J’espère qu’en trouvant un moyen de sortir d’ici, tout redevienne aussi silencieux qu’avant que nous n’empruntions ces chemins. Auquel cas, il est dangereux de laisser vivre ce mal… Je regrette de ne pas avoir les autres Gardiens à mes côtés. Nous aurions sans doute plus de chances avec eux…
 
Un puissant rugissement vint percuter mes tympans. La soudaineté et la violence du bruit me firent reculer d’un pas, écarquillant les yeux tandis que je contemplai dans un effroi manifeste le gouffre qui semblait sans fond. Les chants reprirent, comme si ces statues répondaient à la chose qu’elles venaient d’invoquer. Le puissant rugissement céda sa place à quelques grognements, courts mais puissants. De rouges lueurs s’échappèrent des ténèbres et semblèrent sonder mon âme. Je ne pus m’empêcher une exclamation de surprise. Des frissons me parcoururent même. Puis un énorme bras muni d’écaille accrocha le pont, des grognements provenant toujours de ces profondeurs insondables.
 
— Eh bien… On peut dire que nous sommes vraiment chanceux ! Ne jamais compter sur ma fortune… Fuyons !
 
Et tandis que la créature perdait du temps à pousser un nouveau rugissement, je fondis en direction du portail que j’ouvris en poussant assez fort. Quelle fut ma surprise de trouver plusieurs statues qui nous attendaient ! La première se trouvant devant moi, avec une hache, tenta d’arracher ma tête. J’esquivai en décalant ma tête et me concentrait. Ça faisait longtemps que je n’avais pas frappé de la pierre. Vous trouvez ça absurde ? Pourtant, on m’y a entraîné lorsque j’eus dépassé le rang de simple Gardien novice. Ah, je me souvenais des paroles de mon sage prédécesseur : « Ton esprit doit être aussi dur que la pierre, mais parfois cela ne suffira pas. Tout ton corps doit être capable de fendre la pierre. »
 
Je reculai une de mes pattes et tendit mes griffes, montrant bien ma paume qui était d’ailleurs parsemée d’un peu d’électricité. Je donnai un coup de paume puissant en plein torse de la statue. Une onde de choc due à la foudre soudainement relâchée se répandit dans l’air. Des lézardes apparurent sur la statue qui tomba en quelques morceaux devant moi. Je ne pouvais être trop longtemps fier d’avoir réussi à performer cette technique après tant d’années sans l’utiliser et je me précipitai entre les autres ennemis de pierre qui n’eurent pas le temps de réagir. J’espérais que mon partenaire me suivrait avec aisance, car je ne pouvais pas trop me permettre de détruire toutes ces statues : nous avions une étrange créature à nos trousses !
 
La pièce dans laquelle je débarquai n’en était pas vraiment une. Il s’agissait d’un vaste jardin avec un plafond bien fermé, qui s’étendait sur plusieurs étages. Mais le jardin était flétri depuis longtemps. Des corps de plantes desséchées et des ronces  habitaient l’endroit. Là où des bassins avaient été construits, il n’y avait plus que de la terre sèche.  L’endroit eut été probablement magnifique jadis. Hélas, il n’avait plus rien de magnifique. La seule chose qui était restée intacte en ce lieu, c’était sans doute sa grandeur effarante.
 
Je m’élevai dans les airs (j’avais assez d’espace pour me le permettre) et volai en cercle à la recherche d’une sortie. Malheureusement, je ne trouvais rien qui put ressembler à une porte, un portail, une trappe. Cet endroit semblait sans issue. J’atterris sur un balcon qui se trouvait au troisième étage et agrippai une statue qui voulait m’empaler sur ses griffes. Je parvins à la faire passer par-dessus la rambarde, et l’adversaire se brisa à l’atterrissage, laissant dans les décombres un beau nuage de poussière. Je vis alors au niveau du balcon d’en face des rais de lumière qui semblaient percer à travers d’épaisses ronces qui bloquaient le passage de la lumière… Et notre ticket de sortie.
 
J’hochai la tête et repartit en bas, écrasant une statue dans ma descente, pour rejoindre Arboryx que j’aidai.
 
—Je vous en prie, certifiez-moi, mon cher « marchand » que vous êtes aussi un habile cracheur de feu. Il y a une sortie bloquée par d’épaisses ronces au troisième étage, au deuxième balcon ! Allez-y, je vous couvre !
 
Et je continuais à me battre contre les statues, jusqu’à ce qu’une épaisse fumée noire commençât à s’engouffrer dans les jardins. Je contemplai des orbes rouges qui me toisaient. Aucune forme perceptible ne m’apparaissait, mais je sentais le danger de m’approcher trop de ces nimbes ténébreux. Le bras sortit de la fumée et menaça de me percuter. Je déployais mes ailes et m’apprêtai à m’envoler, lorsqu’un soudain poids vint me plaquer au sol. Je lâchai un filet de bave à cause de la soudaine pression. Je levai les yeux et remarquai qu’une statue m’avait plaquée au sol. Je ne pus que voir cette patte fondre sur moi. Je fermai les yeux.
 
Un violent bruit de choc m’atteint, avant que je ne puisse sentir quoi que ce soit. Pourtant, la douleur fut présente, et si puissante qu’aucun mot ne permettrait de la décrire ! Tout mon corps prit le coup de patte, et je partis m’écraser contre un mur, créant à l’impact un trou duquel je retombais au sol. Lourdement. J’avais l’impression que tout mon squelette était en vrac. Chacun des os de mon corps me faisaient souffrir et semblaient vouloir se déchirer comme du papier. Je sentis quelque chose couler de ma gueule. Je ne le voyais pas vraiment, mais ce goût cuivré ne faisait aucun doute : je saignais. J’avais du mal à garder les yeux ouverts, mais je le devais pourtant. J’essayais de me lever, mais mon corps me faisait trop mal. Comment est-ce que j’allais pouvoir me sortir de là ? Je commençai à paniquer, ma respiration se faisant plus irrégulière, remuant légèrement de la poussière en vain.
 

Allais-je mourir ici ? Non, je ne le voulais pas… Je ne pouvais pas…

Contrairement à ce qu’aurait espéré mon compagnon d’infortune, je doutais que même toute la puissance combinée des Gardiens aurait pu purifier cet endroit des maléfices qui s’y trouvaient. La peur me tordant les tripes, je vis avec effrois que la créature que les statues avaient éveillée allait très bientôt se charger de notre cas. Cette perspective aussi peu intéressante pour moi que Volteer, ce dernier ne perdit pas de temps à se créer une issue. Toutefois, nous étions encore bien loin d’avoir semés nos ennuis. Une fois le portail défoncé, il ne fut pas long qu’une autre surprise nous attendait. Bien sûr, d’autres statues presque identiques à celles qui nous avaient assaillis plus tôt s’étaient aussi mis en tête qu’il était grand temps de faire rouler les nôtres. S’occupant rapidement de la première sur son chemin, Volteer s’engouffra aussitôt dans cette nouvelle pièce qui nous attendait. Par contre, bien que j’aurais voulu le suivre, ce damné Nehonor se remit alors à se payer ma tête.

-Ton avarice et ta malhonnêteté sont sans bornes Arboryx. Murmurait-il du fond de mon sac. Tu ne sortiras pas d’ici sans mon aide. Prêtes-moi allégeance et je ferai en sorte que tu puisses à nouveau voir la lumière du jour, mais dans le cas contraire…

Une brume noire commençait à se développer de là où l’énorme créature avait surgi et commençait à lentement envahir chaque racoin de l’énorme antichambre où nous nous trouvions. Bientôt, elle aurait tout englouti et nous avec. Notre situation semblait sans issue et la proposition du Nehonor un brin tentant. Bien sûr une saleté de pierre ne pourrait me lier aussi facilement à elle. Je n’aurais qu’à profiter de la porte de sortie qu’elle m’offrait et la revendre à fort prix à mon retour à Warfang. J’en sortirais gagnant et en serais rapidement débarrassé. Par contre, je n’allais pas me laisser avoir par cet artéfact tout de suite. Il devait bien y avoir une autre solution !

-Tu fermes ta sale gueule de caillou. Grondais-je en proie à un mal de tête comparable à celui que j’avais expérimenté plus tôt dans les tunnels du temple.

Me détournant rapidement de l’antichambre et l’indescriptible créature toutes deux plongées dans cette épaisse brume, je m’élançai sur les pas du Gardien qui avait déjà pris une belle avance sur moi si bien que je l’avais encore perdu de vue. Profitant du chemin qu’il avait ouvert entre les rangs des statues. Dans une autre instance où ma vie n’aurait pas été en danger, j’aurais peut-être porté attention à l’étrangeté de cette nouvelle chambre qui s’étendait autour de moi. Bien sûr étrange n’était pas un mot particulièrement fort pour comparer ma situation actuelle avec elle à laquelle Volteer et moi avions été confrontés quelques temps plus tôt, mais c’était le meilleur que j’eus trouvé à ce moment-ci. Ce jardin souterrain était à l’image même du temple dans lequel il se trouvait : sombre, froid et mort depuis bien longtemps.

Ma course effrénée fut toutefois brusquement arrêtée. Comme je devais m’y attendre, les sentinelles de pierres avaient commencé à refermer leurs rangs et une particulièrement imposante me barrait la route, me prenant par surprise.

-Bordel, m’exclamais-je, je ne savais pas qu’elles pouvaient être aussi rapides !

L’esquivant de peu en me jetant sur le côté, je ne fus par contre pas aussi chanceux que je ne l’’aurais espéré car une autre de ses semblable tout aussi costaude s’agrippa à moi. Enserrant mon épaule gauche et ma nuque entre ses griffes, je pu constater avec effrois que la force de ces créatures était aussi terrifiante que je ne l’aurai cru. Me débattant de toute mes forces à la façon d’un animal enragé, je parvins à casser quelques-uns des doigts de roc qui m’avaient accroché. Par contre, le travail était long et je n’allais pas être assez rapide pour me dégager avant que les copains de mon agresseur ne se mettent de la partie. Du coin de l’œil, je pu voir une hache grossièrement taillée commencer à s’élever.

-Ah non, pas comme ça merde ! Grondais-je en redoublant d’effort.

Heureusement et dans un fracas épouvantable, une grosse forme jaune s’écrasa sur la statue qui me retenait, la faisant voler en éclats sous la puissance du choc et faisant reculer de quelques pas ses congénères. Une fois de plus, c’était Volteer qui me sauvais la mise. Le Gardien m’indiqua alors un balcon d’où nous pourrions nous échapper et qu’il fallait que je me débarrasse d’un impressionnant amas de ronces.

-C’est comme si c’était fait ! M’exclamais-je en m’envolant, trop content de mettre de la distance entre moi et les protecteurs du temple.

Arrivant rapidement à l’endroit indiqué par Volteer, je remarquai que de minces rayons de lumières semblaient se faufiler dans un nouveau réseau de tunnels. Toutefois, l’endroit était pour le moins inaccessible en raison d’étranges et énormes ronces qui en bloquaient l’accès. Enfin ! Peut-être avions-nous une porte de sortie après tout ! Peut-être que nous allions nous en sortir ! Concentrant mes énergies, j’inspirai un grand coup. Relâchant tout brusquement, je crachai un sérieux jet de flammes. De quoi foutre un bon incendie dans n’importe quel bâtiment digne de ce nom à Warfang. Les ronces s’enflammèrent et le feu se propagea de plus belle dans l’énorme bosquet qui s’était accumulé avec les années.

- Pas mal. Sifflais-je. Peut-être que je devrais m’en servir un peu plus souvent.

Soudainement, j’entendis un grand bruit provenant d’en contrebas. Baissant les yeux, je pu voir que la fumé noire que nous avions aperçue plus tôt commençait à envahir la pièce. Pire encore, l’énorme forme de la créature qui nous pourchassait se mouvait tranquillement dans les ombres, extirpant lentement, mais sûrement son énorme corps des abysses. Volteer de son côté, bien qu’il continuât ses vaillants efforts afin de ralentir la progression des statues, se fit vicieusement agripper par l’une d’elle. Temporairement stoppé dans son élan, le Gardien ne pût prévoir la prochaine attaque qui l’attendait. Usant de ses longs bras aussi difformes qu’écailleux, la créature dans la brume atteint le maître de la foudre de plein fouet Projeté à toute vitesse, ce dernier alla s’écraser de tout son poids contre un mur de pierre. Comme si tout déjà n’allait pas de travers, les sentinelles de pierre recommencèrent à cerner le Gardien blessé, laissant lentement place à l’autre monstruosité qui les suivait de près derrière.

-Oh non… Me dis-je en constatant le désespoir de notre situation.

Jetant un coup d’œil vers le passage que Volteer avait découvert, je remarquai que les ronces avaient rapidement brûlées. La voie était maintenant libre. Je n’avais plus qu’à l’emprunter avant d’être à nouveau libre de ce cauchemar. Toutefois, ma conscience, qui avait jusqu’à présent joué un rôle plutôt minimal à ce point de mon existence, me retenait là. Une chose que le Nehonor sembla aussitôt prêt à faire dérailler.

-Allez cours, sauves ta peau. Tu ne peux plus l’aider. Pense à tous ce que tu risques de perdre en mourant ici. Quelle folie…

La pierre avait un point. Il serait difficile voire impossible pour moi de vaincre les forces qui s’opposaient à nous ici. Eh, même l’un des Gardiens avait bien du mal en ce moment alors je n’osais pas trop imaginer ce qui allait advenir d’un type comme moi dans la même situation. Par contre, je ne pouvais pas simplement me tirer d’ici et laisser Volteer. Si j’étais encore vivant c’était grâce à lui. Bien qu’il ne fût pas rare pour un mercenaire de battre en retraite lorsque les choses se compliquaient, aujourd’hui n’était pas une telle occasion. J’avais une dette envers le Gardien et des dettes, je détestais en avoir. Par contre, j’avais beau puiser dans des valeurs chevaleresques pour m’empêcher de prendre la poudre d’escampette, il me fallait trouver une solution et vite. En effet, des discours de motivation n’était pas ce qui allait sauver mon compagnon du moment. Les monstres continuaient à avancer de leurs lourds pas sur le dragon jaune, le temps pressait.  

-Merde, grommelais-je, si seulement on avait quelque chose pour répliquer à ce genre de créatures. Je suis vraiment à cours d’option là…

Soudain, un détail me revint à l’esprit. La murale ! Oui, la solution se trouvait dans la murale que j’avais vue plus tôt dans le temple. Un élément en particulier qui jusque-là nous avait bien mis dans le pétrin pouvait aussi nous en tirer. Je me rappelais bien sûr de l’image d’une pierre chassant de terribles monstres dans les tréfonds de la terre. Le Nehonor ! L’Aveugleur de dieu ! Peut-être que là se trouvait la clef du puzzle. En retrouvant la pierre, cette dernière avait probablement éveillé le mal qui sommeillait ici. Peut-être qu’elle pourrait aussi le renvoyer d’où il venait ? Tâtant mon sac d’une griffe, je sentis la forme du Nehonor qui y avait élu domicile depuis quelques minutes déjà. La pierre, toujours aussi perspicace qu’à son habitude, sembla deviner mes intentions et prit rapidement action.

-Tes efforts seront vains ! Tu ne peux pas vaincre ce qui rôde ici ! Fuis tant qu’il en est encore temps !

L’artefact avait compris qu’il commençait à perdre de son contrôle sur moi et je m’en réjouis. Je n’allais plus me laisser influencer de la sorte par cet objet maléfique. Prenant une grande respiration, je rassemblai la dernière once de courage qui me restait. Je n’avais plus beaucoup de temps. En effet, la créature tapie dans la brume était presque arrivée aux côtés de Volteer. Si je voulais agir, je devais le faire immédiatement. Par chance, j’avais mon plan : nous allions devoir combattre un mal par un autre !

Faisant la sourde oreille aux protestations du Nehonor, je déployai mes ailes et sauta de mon perchoir. Atterrissant à proximité du groupe de statues, je fourrai immédiatement mes griffes dans mon sac et agrippai la pierre fermement. Je me rappelais bien de ce qui s’était produit lorsque j’avais découvert pour la première fois le Nehonor. J’espérais seulement qu’un phénomène semblable se produirait et nous aiderait à renverser la vapeur. Repérant une nouvelle menace, les statues se détournèrent quelque peu de Volteer pour reporter leur attention sur moi. Le Gardien en mauvais état, leurs efforts allaient probablement se diriger sur mon cas alors que l’énorme créature se chargerait de mon compagnon. Quelque unes des sentinelles de pierre commencèrent à avancer lourdement dans ma direction.

Protestant de toutes ses forces, le Nehonor ne semblait pas prêt à abandonner sa seule chance d’être enfin libre dans le vaste monde.

-Ça ne marchera pas ! Oublie cette folie ! Nooon !

Priant que je prenne la bonne décision, je fermai les yeux et retira brusquement la pierre du sac et la brandis aussi haut que je le pouvais au-dessus de ma tête. Une lumière tout aussi aveuglante que lors de ma première rencontre avec l’artefact illumina violement chaque racoin poussiéreux de l’antichambre où nous nous trouvions. Même en serrant mes paupières de toutes mes forces, la lueur sembla me brûler de la rétine jusqu’au cerveau. Pris de court par le violent mal de tête qui s’empara de moi, je perdis pieds et échappa l’objet, me rattrapant tout juste avant de m’effondrer sur le sol. Rebondissant par terre, le Nehonor roula en direction des statues et de l’étrange entité se tapissant dans la brume. Bien que je ne pusse vraiment voir ce qui se passait vraiment devant moi, je pus comprendre que mon pari semblait avoir fonctionné pour le moment car je pus entendre les statues reculer en faisant crisser leurs membres de pierre sur le sol. Entrouvrant légèrement la paupière de mon œil gauche (qui fut presque aussitôt aveuglé), je remarquai brièvement que la brume noire et ce qui semblait s’y cacher depuis un moment déjà commencèrent à lentement se retirer pour retourner de là d’où elles venaient.

-Vite ! Sifflais-je entre mes crocs en tentant d’ignorer la douleur. La voie est libre !

À l’aveuglette, je me dirigeai prestement vers où je croyais que Volteer gisait. Tâtant le sol de mes griffes, je finis enfin par buter contre une forme qui ne pouvait être que le maître de la foudre.

-Allez debout Gardien ! Grondais-je en agrippant le grand dragon de façon à l’aider à se relever. J’ai perdu un sacré pactole en me débarrassant de cette pierre et je refuse que vous creviez pour rien !

En effet, ce contrat qui devait me rapporter de quoi vivre très confortablement pour un bon bout de temps avait à ce moment définitivement été foutu en l’air. Je pouvais donc dire adieu à mon or… Par contre j’allais peut-être m’en sortir vivant alors disons que c’était aussi un plus. Bien que la lumière du Nehonor soit encore aussi puissante qu’au départ, je ne savais pas trop combien de temps l’effet allait durer et je frissonnai à l’idée que les créatures du temple ne se jette à nouveau sur nous dès que l’artefact serait à court. De son côté le Nehonor continuait de rouler lentement sur le sol pour se diriger vers les profondeurs du temple, nous pestant Volteer et moi dans une langue que je ne comprenais pas. D’un autre côté, j’étais quand même soulagé que cette chose ne se rende pas à Warfang aujourd’hui…

Pour le moment notre situation était tenable. J’avais enfin pu rejoindre le Gardien et j’espérais pouvoir le réveiller par quelques violentes secousses. Même si j’étais encore aveuglé par la puissante lumière, j’avais confiance que nous allions pouvoir retrouver la sortie que Volteer avait découverte. En effet, même si les ronces ne brûlaient plus, nous n’aurions qu’à suivre l’odeur de la fumée. Le bosquet étant épais, le petit incendie que j’avais provoqué en avait produit une bonne quantité. Un jeu d’enfant à pister et ce même avec les yeux fermés. Toutefois avant de pouvoir s’arracher d’ici, il fallait que le Gardien ne reprenne pleinement ses esprits. Je continuai donc à le secouer en espérant que je disposais d’assez de temps.

-On se réveille ! Grondais-je. Oh, mais allez bordel de merde on a pas toute la journée !