Prélude au désastre [privé: Arboryx]

Enfin nous avions été payés et ce grassement en plus. Le patron n’avait pas menti comme tant d’autre avant lui qui aurait été tentés de nous rouler. Combiné à l’avance que nous avions reçue tout à l’heure, j’allais pouvoir avoir l’esprit tranquille pour quelques temps même si je savais bien que ce n’était jamais vraiment le cas. Imitant Jarret en faisant rapidement disparaître la bourse après y avoir jeté un œil. Reportant mon attention sur le patron, je pu comprendre que le moment été venu pour moi d’être congédié. Toutefois, avant que nous ne nous quittions pour de bon, Zaraek avait quelques paroles inhabituelles pour nous.

-Des ennemis ? Me dis-je en grattant le crâne d’un air interrogateur.

Au moins, merci quand même pour l’avertissement. La plupart des adversaires que j’avais rencontrés n’avaient pas tous été aussi polis…

Bref, il était temps pour le magicien de reprendre la route et ce malgré sa fatigue apparente et les protestations de mon collègue. Toutefois, le choix de Zaraek était fait et il n’était plus désormais de notre ressort d’assurer sa protection. De mon côté je restai silencieux. Même si je ne trouvais pas très avisé de se balader en pleine forêt enfermé dans l’armure la plus lourde qu’il avait pu trouver. Pour une rare fois l’on aurait pu dire que j’étais d’accord avec Jarret, c’était bien l’une des seules choses sensées qu’il avait su dire depuis le début. Particulièrement en considérant notre récente mésaventure, qui aurait su quelles étranges bestioles rôdaient à cette heure tardive et si Lucky se trouvait toujours dans les parages. Jouer avec des portails occultes savait drôlement comment déstabiliser les environs et je n’aurais pas vraiment voulu rester pour me balader ici.  

Eh ben, qu’importe mon opinion la vie de Zaraek lui appartenait. Mon travail ici terminé, et tout comme ce dernier j’étais fin prêt à décamper avec mon butin.

-Bon, déclarais-je aux deux autres dragons en faisant mine de me tourner dans la direction générale de Warfang, je crois que je vais faire comme le patron et y aller. Tu retournes à la ville Jarret ?

-Nah, répliqua l’assassin de son air énigmatique habituel, je dois aller jeter un œil sur quelques trucs avant de rentrer.

Opinant de la tête, je saluai une dernière fois Zaraek et le pâle mercenaire avant de me diriger vers l’orée de la forêt. Je n’étais pas déçu que l’assassin ne me tienne pas compagnie sur le chemin du retour, mais je m’inquiétais ironiquement pour la sécurité des villageois habitant la campagne alors qu’un tueur aux tendances sociopathes s’y baladait durant la nuit. Pour ce qui était du cas de Zaraek, vu ce que j’avais vécu aujourd’hui j’étais sûr que j’allais finir pas en entendre parler un jour ou l’autre. S’il continuait ses petites expériences, il ne serait pas long avant qu’il ne fasse des ravages. Toutefois, cela m’importait peu pour le moment, j’avais été payé voilà ce qui comptait. Bien sûr, je me demandais plus comment j’allais pouvoir raconter tout cela à Saared et Tintaglia sans me faire traiter de menteur ou me faire accuser d’être complètement bourré.

-Ouais, soupirais-je en me remémorant les événements de la journée, ce fut…intéressant ?

Vraiment, je ne savais trop que dire.

De retour à Warfang à la tombée de la nuit, j’arrivai à la Grande porte tout juste avant que je ne sois enfermé dehors jusqu’aux petites heures du matin. Me glissant entre les imposants battants de bois, je grommelai quelques platitudes aux gardes qui se fixaient d’un regard inquisiteur. Heureusement, aucun d’entre eux ne sembla avoir l’envie de me questionner. De retour dans les rues toujours animées de la mégapole, je me dis qu’il ne me tentait point de rentrer chez moi tout de suite. Je n’étais franchement pas très prêt à répondre à l’interrogatoire de Tintaglia. Non, je me décidai plutôt d’aller faire un dernier tour d’une taverne, ou deux…ou trois. M’enfin, si j’allais être accusé d’être complètement saoul, autant l’être pour vrai. Entrant rapidement dans le premier établissement que je croisai, je jetai quelques pièces sur le comptoir avant de pouvoir m’enfouir le museau dans une chope de vodka. Après quelques vers, je me sentis déjà mieux. Silencieux, je dilapidai une partie de l’argent que j’avais gagné aujourd’hui en engloutissant d’importante quantité de ce liquide que j’affectionnait tant pour des raisons bien évidentes. Je ne savais trop combien de temps cela faisait que j’étais accoudé au bar que des bobards concernant une créature étrange qui avait été tuée par la garde aux abords de la ville commencèrent à fuser de toute part autour de moi. Personne ne savait d’où elle venait ni n’avait déjà vu quelque chose du genre. C’est en écoutant la description que je compris ce dont les Warfangiens visiblement excités baragouinaient. Corps de couleur laiteux, énorme gueule et une paire de mâchoires plus qu’impressionnantes, etc. Ouais, je savais bien de quoi ils voulaient parler, des trucs dans le genre il n’y en avait pas des tonnes dans ce coin de pays. Toutefois, je ne souhaitais pas à nouveau être confronté au monstre que j’avais vu aujourd’hui ni à devoir repenser à tout le bordel occulte dans lequel j’avais été entraîné. Putain, c’est connards m’avaient fait perdre ma soif…

Renversant presque ma dernière chope par terre en me détachant du comptoir contre lequel j’avais été incrusté depuis un bon bout de temps, je me frayai un chemin vers la porte au travers des clients qui se faisaient plus nombreux. Étrangement, une silhouette mince et pâle à quelques mètres sur ma droite me tira un sourire carnassier avant de disparaître dans la foule. Mettant cela sur le compte de ma consommation excessive, je n'y prêta guère attention.

-‘Feriez mieux de brûler cette saloperie de cadavre et d’oublier tout ça si j’étais vous… Grommelais-je de façon presque inaudible aux dragons discutant de la créature du Néant morte. Ça vous amènera que des ennuis ces choses…Damné Zaraek, j'espère que tu...*beurp* z'auras pas faire d'autres portails...santé à toi quand même. Et à toi aussi Jarret, sale malade dégénéré de mes deux.

Sortant dehors, j’en convins que j’en avais assez eu pour une journée et c’est d’un pas chancelant que je me dirigeai vers chez moi pour affronter l’humeur habituellement terrifiante de ma compagne.

Sans que je ne m'en aperçoive, un mystérieux dragon svelte et pâle sorti lui aussi de l'auberge alors que, déjà à une bonne distance, je continuais à m'en éloigner en zigzaguant quelques peu dans les rues denses de la cité. Serrant une chope entre ses griffes, le mystérieux individu la leva dans les airs comme à la façon d'un toast.

-Santé à toi aussi l'ami. Susurra entre ses crocs Jarret adossé contre le mur d'enceinte de la taverne, ses yeux froids épiant l'obscurité insondable de la nuit qui aurait su nous rappeler un portail ouvert sur le Néant.

Fin du rp